L'absence de Soloutch
de Mahmoud Dowlatabadi

critiqué par SpaceCadet, le 18 février 2019
(Ici ou Là - - ans)


La note:  étoiles
L'inexorable marche du progrès
Composé et mémorisé alors qu'il était en prison puis rédigé en un rien de temps une fois que M.Dowlatabadi eut retrouvé la liberté, 'L'absence de Soloutch' nous plonge dans le quotidien d'un village d'Iran au cours des années 1960. S'étalant sur une période d'environ une année, le récit illustre les conséquences de la vague de modernisation que traversa le pays à cette époque sur la vie des membres de cette communauté.

L'histoire commence au moment où Mergan constate la disparition inexpliquée de Soloutch, son époux et père de leurs trois enfants. Consternée, elle tente de s'ajuster à cette situation, assumant du mieux qu'elle le peut de nouvelles responsabilités, cela tout en se conformant au rôle et à la place qui lui sont traditionnellement dévolus. Mais cela ne se fera pas sans heurts et dans les heures, les jours et les mois à venir Mergan sera confrontée à de nombreuses difficultés.

Par le biais des événements alimentant le quotidien de cette famille nous assistons donc à une variété de situations au long desquelles, outre les divers aspects de la vie au sein du village, les habitudes, certaines coutumes et autres éléments d'ordre culturel, les métiers traditionnels, la structure et les relations sociales et les difficultés auxquelles on doit faire face d'une saison à l'autre sont évoqués.

Evoluant dans un contexte où les ressources sont maigres et où la survie est menacée par le moindre changement apporté aux conditions dans lesquelles ces hommes et ces femmes ont appris à vivre, nous observons comment peu à peu l'équilibre de cette communauté sera fragilisé puis fragmenté sous la pression exercée par le développement économique et technologique.

A travers ce récit, l'auteur dresse un portrait de société particulièrement éloquent en même temps qu'il explore un thème à la fois universel et intemporel, un thème qui à mon avis, aurait mérité d'être soutenu par une conclusion un peu plus substantielle.

Divisé en quatre parties dont chacune raconte dans un enchaînement de type 'cause à effet' les événements entourant un 'moment' pivot dans l'évolution de la vie du village et des ses habitants, c'est un roman qui dans la forme et le sujet fonctionnerait bien sous forme de mini série.

Si la construction est simple, c'est au niveau de la narration que ce roman prend toute son envergure. Adoptant tour à tour les perspectives des principaux protagonistes, explorant ainsi leurs points de vue respectifs, détaillant leurs motivations, leurs ressentis, leurs contradictions, voire leurs pensées, puis examinant les interactions qu'ils ont avec les autres personnages, le récit offre de cette manière une vision panoramique parfaitement adaptée au portrait de société qu'il dessine.

Servies par une langue imagée et parsemée d'expressions populaires, les descriptions, plus solides au niveau des personnages et des ambiances que des lieux, sont à la fois évocatrices et habilement fondues au récit. Parallèlement, soigneusement amenée, l'action bénéficie d'une intensité dramatique fascinante.

Admirablement tracé, ce portrait de société soutenu par une habile approche de la psychologie humaine, témoigne d'un sens aigu de l'observation et d'une belle maîtrise de l'art.


N.B. Lu en version traduite du persan vers l'anglais par Kamran Rastegar.