La robe blanche de Nathalie Léger

La robe blanche de Nathalie Léger

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Kinbote, le 7 février 2019 (Jumet, Inscrit le 18 mars 2001, 65 ans)
La note : 9 étoiles
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La performance d'une vie

Dans "La Robe blanche", Nathalie Léger, que j’ai découverte voici dix ans avec "L’Exposition" (et qui a publié entre-temps, "Supplément à la vie de Barbara Loden" et "Les vies silencieuses de Samuel Beckett"), enchevêtre deux liens, deux lignes de force pour démêler un nœud, personnel, secret, lié comme tout nœud/nombril à la mère en particulier et à la condition féminine en général. Condition féminine que l’auteure n’a cessé d’interroger dans ses écrits depuis dix ans.

Elle le fait, d’une part, en cherchant à comprendre les motivations qui ont poussé Pippa Bacca, nièce de Piero Manzoni décédé à seulement 30 ans, à se rendre de Milan à Jérusalem en robe de mariée, et d’autre part, en écrivant pour sa mère qui a enduré une procédure de divorce éhontée comme il y en avait encore il y a une quarantaine d’années.

Pippa Bacca paiera de sa vie sa performance artistique, elle mourra à 33 ans après viol et strangulation en Turquie des mains d’un père de famille qui ira jusqu’à filmer ensuite, ironie de cette histoire, le mariage de sa nièce avec la caméra dérobée à sa victime.

Quant à la mère de la narratrice, elle lui saura gré d’avoir, par ce livre, rendu justice, à la façon de Svetlana Alexievitch (avec sa collecte des témoignages de femmes ayant vécu la guerre), à sa douleur, à son sentiment d’avoir gommé la vexation commise par la société, le système judiciaire à son endroit qui, non content qu’elle ait été l’offensée, et, s’appuyant sur des témoignages éhontés, l’a jugée pour carence maternelle (mais tout en lui confiant la garde des enfants). Comme Pippa Bacca voulant sauver l’espèce humaine de la violence par son geste, la narratrice a voulu, comme elle l’explique en interview, sinon « rendre justice », « dire le juste ».

Si Nathalie Léger écrit des livres, c’est pour nuancer un propos, creuser une question, une inquiétude personnelle et la rendre sensible, intelligible par le lecteur, non pas pour clore un chapitre, fermer un sujet, ce qui est le propre, on le sait, des mauvais écrivains avides d’ordre, de formes éculées, pour appuyer des sentiments communs sur des faits établis.

« Et j’ai dit aussi qu’il était normal que la description d’objets complexes soit complexe , cela tient aux sentiments, il y en a même qui appellent ça de littérature, car on ne peut pas tout simplifier, ai-je dit en préambule, et n’allez pas croire qu’un sujet, un verbe et un complément ne puissent pas être à eux seuls d’une effroyable complexité… »

Ainsi, quand on lui demande ce qu’est une performance (artistique), elle dit ne pas savoir et se limite à donner des exemples qui font sens (ou non) ou qui, en tout cas, suscitent la réflexion, font aussi « se rappeler », faire retour sur soi. Parmi les performers nommément cités qui se sont mis en danger, il y a Yoko Ono, Marina Abramovic, Marie-Ange Guilleminot, Niki de Saint-Phalle, Carolee Schneemann, Jana Sterbak, toutes des femmes.

Un petit livre blanc pour laver l’honneur des femmes salies par des siècles de soumission.

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