Les Amochés de Nan Aurousseau

Les Amochés de Nan Aurousseau

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Killing79, le 25 janvier 2019 (Chamalieres, Inscrit le 28 octobre 2010, 44 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 7 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (41 284ème position).
Visites : 2 541 

Déstabilisant

Présentation de l'éditeur
Après une vie de bâton de chaise et de nombreuses errances, Abdel Ramdankétif se retire dans le village de montagne où ses parents étaient venus vivre quand ils étaient arrivés en France. Tout a bien changé en quelques décennies : ses parents sont morts, et le village est quasi abandonné...
Seuls, Jacky et Monette, un couple de voisins, survivent à la manière de vieux sages. Abdel s’est installé là, loin des hommes et de la modernité dont il se contrefout. À la fête annuelle du village, il a même rencontré Chris, une psychiatre de la ville la plus proche. Leur histoire d’amour a duré trois mois.
Peu après la rupture qui a mis notre homme k.o., un évènement surnaturel se produit qui va conduire Abdel Ramdankétif au bord de la folie et le mêler aux histoires gratinées d’une étrange famille.


Mon avis:
Nan Aurousseau est un observateur acéré de notre monde. Et dans ce monde moderne, il s’intéresse particulièrement aux petites gens. Il met en scène et donne la parole aux invisibles, aux exclus. Ce nouveau roman ne fait pas exception.

Dans « Les amochés », pour traiter de ce sujet, il modifie le prisme par lequel les évènements sont évoqués. Cette fois ci, il décide de nous offrir une version fantastique. Son protagoniste, un homme plutôt banal, avec une vie monotone, est soudain confronté à des évènements surnaturels. Sa solitude est alors mise à l’épreuve avec cette perte de repère et il va devoir se réadapter.

Le lecteur est emporté dans l’esprit du personnage. Il subit ses pensées et ses décisions. Voyageant entre réel et rêve, il ne sait jamais si ce qu’il voit est authentique ou fantasmé par le narrateur. Les faits paranormaux défient notre logique et réinventent les règles. Les faits de la réalité sont cruels et donnent une opinion peu valorisante de notre société avec ses préjugés et ses travers. L’aventure est donc doublement déstabilisante mais elle vous emporte avec elle.

Le style de l’auteur est toujours aussi incisif. A l’instar du personnage, la langue est dégraissée, sans fioritures. L’auteur aborde le sujet moins directement que dans son livre précédent. « Des coccinelles dans des noyaux de cerise » était bien plus ancré dans le réel pendant que celui-ci utilise plus d’artifices. Mais l’impact du livre n’en est pas moins important et comme toujours l’histoire frappe juste.
Parfois à la limite de la fable, « Les amochés » est un grand roman social comme sait si bien le faire cet auteur. Nan Aurousseau sait se renouveler afin de surprendre ses lecteurs. Chaque opus marque les esprits et confirme tout le bien que je pense de lui. Je vous incite fortement à découvrir son univers, qui ne vous laissera pas indifférent !

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"Il n'y a pas de réponse"

6 étoiles

Critique de Alma (, Inscrite le 22 novembre 2006, - ans) - 27 février 2019

Qu'est-il arrivé au héros-narrateur de ce roman ? Héros, ou plutôt anti-héros plongé brusquement dans un univers plus proche du paranormal que du quotidien ? Jugez-en !

Il se réveille un beau matin, constate que de l'eau suinte des miroirs, que des oiseaux morts jonchent le sol, qu'il n'y a plus d'électricité nulle part. Le soleil est bloqué à son zénith tout au long de la journée, plus aucune ombre. Un goût d'électricité envahit sa bouche et un bruit de réfrigérateur géant persiste dans sa tête .
Tout est désert : voitures, maisons, gendarmerie, prison, hôpital. Les habitants semblent « soit dématérialisés , soit aspirés ». Les seules personnes survivantes sont un garçon de café étrangement stoïque qui ne semble pas avoir pris la mesure exacte du problème et deux jeunes femmes, jumelles attirantes mais apeurées et démunies auxquelles il va se joindre.
Viendra ensuite, tout aussi brusquement et de manière tout aussi inexpliquée un retour à la normale – pour les autres- mais non pour lui. Un autre cauchemar commence alors entraînant une situation kafkaïenne qui le verra accusé, arrêté, emprisonné, hospitalisé .

Qu'est-il arrivé à cet homme de 67 ans, de la génération de mai 1968, « clochard céleste » qui a roulé sa bosse un peu partout, sac au dos, et est revenu vivre à 57 ans en ermite dans un village perdu de montagne aux maisons en ruines, avec pour tous voisins un couple de braves taiseux ?
Il est plutôt sympathique, Abdel Ramdamketif, cet ours misanthrope, à la fois bricoleur de première et lecteur compulsif, « moine-lecteur » dont les murs - et la baignoire - sont tapissés de livres, en désaccord complet avec une époque où la télévision a lobotomisé les esprits, et contempteur de la société actuelle qui fabrique des « amochés » sur laquelle il jette « un regard hyperréaliste ».
Mais il est lui aussi, à sa manière un « amoché » par le départ de Chris « une passagère du vent au visage de chatte égyptienne »  avec laquelle il a partagé quelques semaines délicieuses . Sa vie alors « a pris soudain des yeux de taupe à l'agonie »

Qu'est-il arrivé à cet Abdel  qui s'accommoderait volontiers de la disparition de ses contemporains mais qui s'interroge sur ce qui s'est produit « une faille spatio-temporelle », « une crise d'hallucinose » ? . Serait-il « passé de l'autre côté des choses », aurait-il été victime d'un « déraillement » ?
Une question qu'il se posera, que le lecteur lui aussi se posera tout au long du roman mais qui restera sans réponse, comme le suggère la phrase placée en exergue .

Entre polar et récit de science-fiction, qui bascule du réel vers le para-normal, ce roman n'est pas sans charme ; son personnage principal est attachant, son écriture alerte et incisive et son ton souvent gouailleur .
Mais il est aussi déstabilisant. Outre le mystère non résolu sur les causes de « cette panne géante », le récit est régulièrement interrompu par des parenthèses inattendues et un peu superflues : par exemple sur le couple André et Clara Malraux, sur les mérites comparés des films de Fellini , Antonioni et autres metteurs en scène, sur la solitude du malheureux garçon de café affligé de pieds qui puent.

Je dois avouer que je suis sortie du roman moi aussi un peu « amochée »......

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