Le voyage de Marcel Grob
de Philippe Collin (Scénario), Sébastien Goethals (Dessin)

critiqué par Vince92, le 3 janvier 2019
(Zürich - 46 ans)


La note:  étoiles
Un Alsacien dans la Waffen-SS
S'intéresser à l'histoire, en particulier à l'histoire militaire de la Seconde Guerre Mondiale vous expose très souvent au fait de se faire offrir pour Noël ou vos anniversaires des ouvrages de qualité très diverse. Le champs étant très large et assez à la mode, vos proches vont naturellement se diriger vers les ouvrages et vers des auteurs qui ont accès massivement aux media et à la promotion des grands réseaux d’information.
C’est justement le cas de cette assez grosse bande dessinée, Le voyage de Marcel Grob, paru en 2018 et qui a été poussé par France Inter. Je ne pouvais que m’inquiéter en découvrant ce livre sous le sapin: Seconde Guerre Mondiale + France Inter= gage de poncifs, de manichéisme et d’approximation historique. En toute objectivité, ce jugement a priori était trop pessimiste. La précision historique tout d’abord est remarquable. Par ailleurs, le scénario semble assez balancé, sans trop verser dans la dédiabolisation, les auteurs remettent correctement les événements en perspective il me semble.
De quoi s’agit-il exactement? Deux camarades alsaciens âgés de 17 ans sont convoqués par les autorités allemandes afin d’être incorporés dans l’armée. Or, ils vont l’être dans un corps bien spécial: La Waffen SS, ou SS combattante. Initialement créé pour devenir l’élite militaire du IIIe Reich, ce corps sert les ambitions d’Himmler en voie de devenir le personnage le plus important du régime après Adolf Hitler. Incorporé dans la nouvellement formée 16ème division Reichfürher SS, Grob va rencontrer plusieurs de ses camarades, certains, nazis convaincus, d’autres d’emblée réfractaires. Faisant face à la méfiance des cadres allemands, les Alsaciens, pourtant théoriquement totalement intégrés au Volk se démarquent par leur caractère spécifique. Au cours de leur courte formation, certains d’entre eux tentent de s’échapper, sont rattrapés et sont exécutés comme traitres.
La division est envoyée en Italie pour participer à la lutte anti-partisan et sera responsable entre autres du massacre de Marzabotto. Cet épisode marque un cap dans le récit, Grob tournant définitivement le dos à son enfance. C’est en effet cet épisode qui le fait basculer dans la culpabilité et minera sa conscience sa vie durant jusqu’à l’heure de sa mort.
L'ouvrage dépeint assez bien la situation particulière de ces Malgré-nous, forcés de s’engager dans l’armée allemande, et pour certains (4 000 selon la bande dessinée) dans la Waffen SS, marqués jusqu’à la fin de leurs jours par le sceau de l’infamie. Un autre pan de la jeunesse de France sacrifié…
On regrettera parfois le dessin un peu léger de Sébastien Goethals (que je ne connaissais pas)- on a du mal notamment à reconnaître les différents personnages d’une planche à l’autre, alors que le scénario de Philippe Colin est vraiment intéressant. A noter un très bon article historique en fin d’ouvrage de Christian Ingrao, auteur entre autres de “Croire et détruire: Les intellectuels dans la machine de guerre SS”.
Voyage au bout de la nuit 10 étoiles

Sur les conseils de mon frère, je me suis lancé dans la lecture de ce récit. Dès le début, j'ai été pris dans la tourmente de cette histoire et je n'ai lâché le livre qu'à la fin, malgré les presque 180 pages qui le composent.
Quel destin que celui de Marcel Grob, grand oncle alsacien de l'auteur, Philippe Collin et qui devient ici la figure des "malgré-nous". Cette génération sacrifiée d'Alsaciens, nous la connaissons tous, mais à pas à travers l'histoire d'un seul homme, comme l'illustre la couverture de l'album.
J'ai été secoué par cette lecture, qui ne peut laisser le lecteur indifférent : du front italien, en passant par le massacre de Marzobotto, au front Russe , on se demande encore comment Marcel Grob a pu affronter et survivre et tout cela.
Bien sûr, les auteurs nous décrivent les horreurs de cette guerre, mais avec quelques éclaircies comme le comportement du lieutenant Brehme, amoureux de littérature.
Du début à la fin du récit, on ressent une certaine empathie pour Marcel Grob, sans pour autant justifier ses choix.
Contrairement à certains lecteurs, je n'ai pas été dérangé par le scénario qui renvoie sans cesse à l'entretien que Marcel Grob a avec le jeune juge d'instruction fictif, qui le renvoie directement à ses actions passés, à sa conscience. Au contraire, cela donne un certaine respiration au récit.
A noter que le dessin, avec ses couleurs sépia et gris-bleus , est parfaitement en phase avec le récit.
Une lecture très forte.

Hervé28 - Chartres - 54 ans - 15 avril 2019


Instructif 8 étoiles

Bonjour les lecteurs ..
Voici une BD qui raconte comment de jeunes alsaciens furent incorporés de force dans l'armée allemande et durent combattre dans la SS
Ce récit est basé sur une histoire vraie.
En 2009, Marcel Grob, un vieil homme de 83 ans, se retrouve devant un juge qui l’interroge sur sa vie. Et plus particulièrement sur le 28 juin 1944, jour où ce jeune Alsacien rejoint la Waffen SS
Marcel se souvient .. non, il n'était pas volontaire, mais il n'a pas eu le choix.
Il est comme on les a appelés un " malgré-nous".
Marcel se souvient de son voyage jusqu'en enfer dans un petit village des Apennins, Marzabotto.
Voici un sujet qui reste assez méconnu.. l'Alsace ayant toujours été au centre des conflits franco-germaniques.
Combien de jeunes, comme Marcel, se sont retrouvés sous le joug de l'ennemi, non par choix, convictions mais par obligation.
Mais Marcel était-il aussi innocent qu'il est présenté ? Etait-ce vraiment une victime qui a subi son sort ?
N'est-ce pas une histoire un peu trop lisse? trop propre ?
Personne n'est jamais totalement innocent en temps de guerre. Le tourbillon de l'histoire a vite fait de nous emporter, nous transformer.
Seul Marcel détenait la vérité .. à nous d'imaginer et surtout de ne pas juger.
Comme à chaque fois … qu'aurions-nous fait à leurs places ?
Philippe Collin s'est inspiré de l'histoire de son grand-oncle, un "malgré-lui" comme tant d'autres noyé parmi les jeunes volontaires aux dents de loup.
Les dessins sont de grande qualité et rendent très bien les expressions ressenties .
A la fin du récit, un cahier historique nous résume les faits et gestes de l'armée allemande sur le front de l'Est.
Belle lecture .. très instructive.

Faby de Caparica - - 62 ans - 31 mars 2019