Le musée des redditions sans condition
de Dubravka Ugrešić

critiqué par SpaceCadet, le 23 décembre 2018
(Ici ou Là - - ans)


La note:  étoiles
Quand l'exil s'expose
L'exil, la transhumance, tout comme l'identité, figurent parmi les sujets qui ne manquent jamais d'attirer mon attention. L'oeuvre de Dubravka Ugrešić étant fortement imprégnée de ces éléments, j'aurais donc eu fort à parier que l'un ou l'autre des romans ou essais publiés par cette auteure rencontre certaines de mes attentes.

Publié quelques années après que D.Ugrešić ait prit le chemin de l'exil, "Le musée des redditions sans condition" consiste en une création littéraire par le biais de laquelle nous entrons et nous observons l'univers fragmenté d'une femme exilée, une femme qui au demeurant exhibe une certaine ressemblance avec l'auteur.

Est-ce un roman ou un récit autobiographique?

Difficile de trancher et au fait cela n'a guère d'importance dans la mesure où l'objectif visé n'est pas tant de raconter une histoire ou une vie, mais plutôt d'illustrer et de transmettre une vision et une impression de ce en quoi consiste l'expérience de l'exil.

Epousant en quelque sorte la forme d'une exposition, ce roman qui est composé de courts tableaux numérotés, d'extraits de journal intime et de morceaux typiquement autobiographiques, met en scène les éléments épars, -c'est-à-dire ceux dont la mémoire semble s'être approprié-, composant l'existence et/ou la biographie d'une exilée. Lieux, personnages et dates mémorables défilent, illustrant dans un désordre de scènes ou de tableaux, le déracinement et la confusion suscitée par une existence constamment poussée vers un ailleurs indéfini.

Morcelée, fragmentée, parfois diffuse, la structure qu'adopte ce récit illustre bien la perte de repères et l'éclatement propres à l'existence de l'exilé.

Pour qui ne l'a pas vécu, c'est une expérience dont il est difficile d'imaginer les multiples aspects, une expérience que tente donc de traduire l'auteur en décrivant diverses situations avec un réalisme qui dépasse parfois le cadre de la fiction.

Sans être sophistiquée la prose est soignée et le ton intimiste convient parfaitement au sujet traité.

Cette approche expérimentale du récit (auto)biographique et/ou du portrait est, je trouve, ingénieusement conçue et exécutée. Dotée d'une saveur particulièrement originale, cette "expo littéraire" reproduit avec brio les images, les idées et les ressentis liés à l'expérience du morcellement et de la dispersion de sa propre existence telle que vécue par l'exilé. Certes cela donne lieu à un récit fracturé auquel on peine à s'attacher, mais le portrait qui en résulte est éloquent.

Note: Lu en version traduite du croate vers l'anglais par Celia Hawkesworth