Réelle
de Guillaume Sire

critiqué par Nathavh, le 9 décembre 2018
( - 59 ans)


La note:  étoiles
Réelle
C'est une chronique sociale à laquelle nous invite Guillaume Sire par l'intermédiaire de la famille Tapiro issue de la classe moyenne.

Didier, le père travaille dans une concession automobile, il aime Johnny.
Sylvie, la mère travaille elle dans une société import-export.

En dehors du travail, c'est devant la boîte noire, la télé qu'ils occupent leurs loisirs.

Il y a aussi Kevin, le petit frère et Johanna, 13 ans au début du récit.

Pour Johanna, en dehors des cours de danse qu'elle délaissera pour les sorties au club avec sa copine Jennifer, son aînée de quatre ans, l'envie de plaire est grande. Elle rêve de devenir célèbre et postule à "Graines de star", elle y chantera la chanson de son idole Ophélie Winter... oui mais , elle n'est pas prise , elle est déçue. Déconvenue double car adolescente, elle rêve du grand amour et est prête à tout pour plaire à Antoine Dupré, un fils de la haute, contraste des classes sociales.

Les années passent, Johanna enchaîne les petits boulots, sa seule liberté sera de s'offrir un studio mais à quel prix !

Le destin n'aura pas dit son dernier mot car un jour, elle est contactée pour une nouvelle émission, la prod a retrouvé une photo donnée pour le casting de "Graines de star" et veut absolument la rencontrer. La télé réalité débarque et "Big Brother" entendez "Le loft" arrive en France. Un nouveau concept qui lui donnera la gloire et la célébrité, lui assure le producteur. Johanna a 22 ans et veut croire en ses rêves...


Fable des temps modernes sur la télé qui occupe nos vies dans les années nonante, la génération télé, télé-réalité.

Ce roman est clairement inspiré de Loanna - même consonance que Johanna - il nous parle habilement des rouages de la télé réalité, il en démonte la mécanique, la cruauté.

La suite m'a fait penser à "Cyril Hanouna", la télé poubelle (cela n'engage que moi) la connerie, la puissance d'un animateur sur ses chroniqueurs prêt à tout, au ridicule, à l'humiliation pour avoir un semblant de notoriété, de célébrité.

C'est captivant, rempli d'humour, de cynisme. Un livre aux allures légères qui fait prendre conscience de la force de la petite boîte dans nos vies, enfin dans celle d'une génération qui vit sa vie par procuration - (tiens tiens une chanson , les enfoirés, un spectacle la gloire, ceux qui ont lu le roman comprendront) - dans l'inertie devant leur écran.

C'est lucide, acide, bien écrit. Une belle satire sociale. J'ai apprécié les nombreuses références musicales aux années 90.

A lire !

Ma note : 9/10

Les jolies phrases

Il y a deux types de retraités, avait-elle expliqué à Johanna, ceux qui sont propriétaires et ceux qui paient un loyer. Les premiers voyagent, les seconds regardent la télé.

Tu commences à comprendre que, dans la vie, les accidents sont inévitables, du coup tu en veux moins au platane pour la voiture qui selon toi n'était pas préparée.

Mamie prétendait que la vie était nécessairement parsemée d'accidents, et que la seule façon d'être heureux consistait à réparer chaque fois.

Malgré sa volonté de ne rien espérer (et parce que l'espoir est un mécanisme qui n'a rien à voir avec la volonté), elle était pleine d'espérance : Paris, la télévision, Ophélie Winter, les Etats-Unis, Johnny, Leonardo DiCaprio... et l'argent, beaucoup d'argent.

Mamie était une reine antique, une amazone, Wonder Woman, de ces femmes dont on ne dit qu'elles sont l'avenir du monde, et qui, paraît-il, sauvent le pays chaque fois que les hommes, ces abrutis, partent à la guerre pour le détruire, Mamie la courageuse, Mamie la solitaire, Mamie l'encyclopédie vivante, la sorcière inca, l'ingénieuse, la charitable, la clairvoyante Mamie.

:::parce que "la vie", selon lui, était semblable à l'océan ou à la montagne : on peut en profiter et l'abîmer, mais à la fin il y a une avalanche ; à la fin il y aura un raz de marée.