L'encre des savants
de Souleymane Bachir Diagne

critiqué par Colen8, le 12 novembre 2018
( - 82 ans)


La note:  étoiles
La philosophie d’avant l’écriture
L’encre symbolise l’écriture dans un espace de culture orale transmise par les griots, les fameux conteurs de villages. Sans les mots ni les déclinaisons de verbes au futur pour se projeter dans l’avenir les peuples africains éprouvaient une temporalité différente, leur force de vie étant celle du moment présent. Un missionnaire belge dans les années 1930 publiant comme ethnographe sur la philosophie africaine avait ouvert la voie, bien que contesté dans son point de vue pour le moins biaisé de l’époque coloniale. Dans cet opuscule Souleymane B. Diagne le sénégalais enseignant à l’université Columbia de New-York met en lumière l’originalité d’une pensée longtemps déclarée « primitive » par des européens se considérant comme seuls dépositaires de la faculté d’abstraction, que leurs préjugés avaient rendus sourds et aveugles au fond universel de toute forme de pensée. C’est par la création artistique, la poésie, la sculpture que les peuples sans écriture ont de tout temps exprimé leur philosophie pour les uns, leur spiritualité pour les autres. Le sage Ahmad Bâba déporté de Tombouctou à Marrakech en 1591 après la chute de l’empire Songhaï n’écrivait-il pas dans la pure tradition islamique en faveur du savoir : « plus précieuse que le sang des martyrs est l’encre des savants » ?