Le prix de la démocratie
de Julia Cagé

critiqué par Colen8, le 8 novembre 2018
( - 82 ans)


La note:  étoiles
La maladie politique du « qui paie gagne » et ses remèdes
Le financement de la vie politique comprenant celui des partis, des campagnes électorales, des candidats est un vrai défi pour les démocraties. Les dérives du financement privé prôné par les libertariens les plus riches partisans du peu ou pas d’Etat conduisent à l’asphyxie lente mais sûre de l’intérêt général. En effet mobilisés pour gagner les élections à coups de millions avec l’appui de leurs propres médias, fondations politiques, think tanks, lobbies, ils n’ont plus ensuite qu’à orienter les lois selon leurs préférences laissant pour alternative aux autres de faire le lit du populisme, ou pire de s’abstenir de toute participation électorale par un découragement accumulé au fil des décennies. Les assemblées ainsi légitimées par un processus électoral en apparence démocratique sont alors moins que représentatives des autres catégories sociales, encore moins tournées vers l’équité et la redistribution à l’ensemble de la collectivité.
Des années de recherches politico-économiques contemporaines et historiques, un travail impressionnant de collecte, de mise en cohérence des données, de comparaisons des législations électorales principalement celles de nos voisins européens et nos amis américains ont abouti à des constats qui expliquent pour partie les résultats parfois surprenants de sortie des urnes de nature à jeter le doute sur la pérennité des démocraties. Paradoxalement les habitants des états américains les plus pauvres, Kansas, Wisconsin, Louisiane votent Républicains sans réaliser qu’ils favorisent ainsi une politique qui va les maintenir loin de l’ascension sociale et creuser davantage les inégalités.
Combien un euro (1 dollar) de plus rapporte-t-il de voix à un parti et à ses candidats pour « acheter » une quelconque élection ? Si l’argent privé mène la danse quel poids, par conséquent quelle représentativité reste-t-il à ceux qui n’en ont pas ? Qui décide de l’intérêt général quand la majorité n’a plus voix au chapitre, les moins fortunés en l’occurrence ? Où est la justice alors que seuls ceux qui acquittent l’impôt empochent au passage des incitations fiscales sur leurs dons à la politique prise au sens large quand les autres paient plein pot ?
C’est l’intelligence audacieuse de Julia Cagé d’avoir étudié ce sujet bien au-delà des sondages, des idées reçues, des discussions de salons et montré la gangrène de l’argent privé en action dans les démocraties. Elle propose de poursuivre le débat après avoir réfléchi à plusieurs remèdes devant assainir la vie politique trop soumise aux menaces de la corruption :
- rendre l’Assemblée plus représentative en réservant une partie des sièges à des listes nationales de candidats issus des milieux professionnels objectivement sous-représentés, listes élues à la proportionnelle venant s’ajouter au scrutin actuel nominal à deux tours,
- indiquer tous les ans sa préférence avec la déclaration fiscale sur l’affectation d’un budget public à hauteur de quelques euros par adulte pour financer mouvements, partis politiques et élections,
- limiter de façon drastique les financements privés, sans omettre des sanctions dissuasives à l’égard des contrevenants,
- imposer des règles d’éthique et de transparence aux conseils et autres agents d’influence occultes.
Pour indigeste que soit parfois la lecture d’un essai aussi novateur en économie politique, elle a le mérite d’être bien allégée par une profusion de graphiques et égayée par quelques piques visant plusieurs personnalités. Une annexe technique sous le lien http://www.leprixdelademocratie.fr/data.php permet d’une part à ceux qui se contenteraient d’un aperçu sommaire de visionner les diaporamas des idées et des résultats à retenir, d’autre part à ceux qui veulent comprendre d’où ça sort de télécharger les données de base qui ont servi à alimenter la réflexion et les propositions présentées.