Un film d'amour
de Charles Dantzig

critiqué par Sahkti, le 10 juin 2004
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Qui est-on vraiment?
Un film d’amour est un roman intriguant qui se révèle au lecteur au fil des pages. Normal, me direz-vous. Oui... sauf qu’ici, le héros est absent et c’est son absence et le mystère qui l’entoure qui crée l’intrigue (bien qu’il n’y en ait pas vraiment à proprement parler) et nous donne envie d’aller jusqu’au bout. Ce récit, c’est celui de la formation d’un mythe. C’est plus compliqué qu’on ne pense, car mythe ne rime pas forcément avec célébrité, on le constate avec Marc Birbillaz, le cinéaste-ombre de ce livre. Un homme auquel ce livre est consacré, un peu comme une enquête. On s’interroge sur lui, on cherche à savoir qui il est ; après tout, si peu de gens le connaissent vraiment ! Marc Birbillaz vient de se voir décerner le Lion d’Argent de Venise pour son dernier film, "Un film d’amour". Oui, très bien, mais voilà, personne ne sait où il est, il a disparu !

"On peut tout savoir des êtres. Il suffit de recouper ce que les autres en disent et de ramasser ce qu’eux-mêmes ont laissé tomber."

Charles Dantzig interroge donc tour à tour des acteurs, des réalisateurs, des critiques, des amis, des passants… autant de gens ayant chacun un style très différent, ce qui donne au total une fameuse brochette de personnages désaccordés. Certains sont méchants, cupides, menteurs, hypocrites. D’autres sont naïfs, moraux… il y en a pour tous les goûts. Des caricatures très visuelles qui, à mon avis, pourraient aisément être adaptées au cinéma.
Dans le désordre on trouve un professeur d’université ergoteur, une star capricieuse, un actrice strip-teaseuse, un gérant de boîte de nuit, un auteur américain, un photographe de presse vénal, un éclairagiste insolent et puis aussi des Anglais, bizarres, très hautains. A tout cela, vous ajoutez des coucheries, des fêtes, des fringues d’enfer, des chaussures tape-à-l’œil, des réceptions guindées, bref tout ce qu’il faut pour créer un microcosme superficiel et terriblement ennuyeux, décrit à la perfection par un Dantzig plein de fougue. Avec tout au long des phrases, un absent pourtant si présent : Marc Birbillaz, qui n’est pas là et qu’on découvre grâce aux témoignages de cette faune bigarrée.
C’est un roman-labyrinthe, on se croirait au palais des glaces, chacun renvoyant une image déformée de l’autre. Belle étude des comportements humains.
Au final, on a recueilli un tas de bribes sur Birbillaz qui, assemblées, fournissent le portrait d’un drôle de personnage. Mais est-ce vraiment lui ? Pas sûr !