Quartier lointain, tome 2
de Jirō Taniguchi

critiqué par Sahkti, le 10 juin 2004
(Genève - 49 ans)


La note:  étoiles
Eternelle enfance
Hiroshi Nakahora retrouve par accident son allure de quatorze ans. Chouette pour un quadra blasé de la vie ! Déjà vu, aurais-je tendance à répondre. Oui, mais ici, on y retrouve poésie et finesse, loin des grosses ficelles cinématographiques américaines bien stupides. Tanigushi est un poète des mots et des traits, ça se voit et c'est tant mieux. Son Alph Art 2003 du meilleur scénario n'était pas volé.

Nakahora, le héros, se pose la question que nous nous sommes tous posée une fois dans notre vie : si c'était à refaire, referais-je pareil? Aux premières joies de retrouver sa jeunesse succède l'angoisse de pouvoir changer le destin et la crainte de vivre un mauvais rêve. Paraître 14 ans et en avoir 48 n'est pas sans présenter quelques difficultés (ceci me faisant penser à un mauvais film avec Daniel Gélin ayant retrouvé un corps d'enfant et conservé un esprit de vieux ronchon...).
Nakahora a une idée : s’il peut modifier le destin, pourquoi ne pourrait-il pas empêcher la disparition prochaine de son père dont il a connaissance ? Il ne veut pas être abandonné une seconde fois, il doit dissuader son père de s'en aller. Arrive l'étourdissante Tomoko, jeune demoiselle amoureuse de notre héros qui "fait tout comme les grands", même reconnaître un bon whisky. Profond malaise : Tomoko a sensiblement le même âge que sa fille.
Le temps devient dangereux, Nakahora navigue entre passé et présent, nausée et malaise s'emparent de son esprit.

Belle réflexion de Tanigushi sur le poids et les regrets de l'enfance, cette nostalgie qui niche en chacun de nous et ce refus, parfois incontrôlable, de vivre dans le monde des adultes. C'est plein de douceur, de sensibilité et d'émotion, 400 jolies pages que je vous recommande.
La réponse à ses questions 9 étoiles

Hiroshi approche de la date fatidique du départ définitif de son père. Va-t-il, doit-il l’empêcher ?
Ce retour dans le passé va lui permettre de comprendre son père, sa mère et d’obtenir les réponses aux questions qui l’ont hanté toute sa vie.
Un auteur qui m’a fait découvrir un univers qui m’était inconnu, et dans lequel je retournerai avec grand plaisir.

Marvic - Normandie - 65 ans - 26 avril 2021


Chef d'oeuvre !! 10 étoiles

Passionné de littérature et de bande dessinée, je trouve que "quartier lointain" vient réconcilier ces deux pans de l'écriture. Ici, point de Duchesse de Guermantes, ni de Baron de Charlus mais des hommes et des femmes anonymes. A sa manière, Jirô Taniguchi est parti "A la recherche du temps perdu", et avec quel talent ! A ce niveau, une critique précédente évoquait , non une BD, mais un livre à propos de ce diptyque,mais moi je parlerai plutôt d'une œuvre voire d'un chef-d'œuvre. Car les adjectifs ne manquent pas à la lecture de "quartier lointain" : époustouflant, poignant, émouvant, nostalgique... bouleversant, bref magnifique ! Cette œuvre monumentale, qui vous arrache des véritables moments d'émotion, est incontournable pour tout amateur de BD et de littérature. Une fois la dernière page tournée, il est très difficile de reprendre un autre livre ( j'ai eu la même impression en achevant la lecture de "la recherche du temps perdu" de Marcel Proust). Pour ceux qui veulent prolonger l'univers de Taniguchi, précipitez vous sur "le journal de mon père" paru en trois volumes chez Casterman , pour les autres, courez immédiatement acheter "Quartier Lointain".

Hervé28 - Chartres - 54 ans - 13 janvier 2012


Une fin tout en douceur 10 étoiles

un atterrissage très bien maitrisé! Encore une fois presque aucun reproche on en ressort grandi et tout éberlué!
beau, beau, beau à en pleurer mais pas triste pour autant!

Elyria - - 32 ans - 25 juin 2006


Sur les traces du père 9 étoiles

Dans ce second volume, Hiroshi va tout faire pour empêcher la disparition de son père. Y arrivera-t-il ? L’important n’est peut-être pas là... Il file son père pour savoir où il se rend, il cherche à comprendre la motivations qui vont le pousser à cet acte a priori incompréhensible car il semble heureux parmi les siens.
La scène centrale où le fils essaie de retenir son père sur le quai d’une gare est poignante. Le père dit qu’il semble vivre au sein de sa famille la vie d’une autre, que les circonstances l’ont empêché d’avoir la vie qu’il se serait vraiment choisie...
Ce périple temporel vécu par le Hiroshi de 48 ans peut se comprendre comme une réflexion sur ce qu’il vit dans sa propre famille, qu’il s’apprêtait lui aussi à quitter avant son rêve ou son voyage extraordinaire. Fin ouverte avec mise en abyme. Vertigineux ! Quand la BD cesse d’être un art mineur...

Kinbote - Jumet - 65 ans - 14 août 2005