Portraits de femmes
de Émile Zola

critiqué par Henri Cachia, le 5 novembre 2018
(LILLE - 62 ans)


La note:  étoiles
Portraits de pauvres femmes du XIXè...
... « ...Lorsque le soleil tombe d'aplomb, la mer, presque noire, est comme endormie entre les deux promontoires de rochers, dont la blancheur se chauffe de jaune et de brun. Les pins tachent de vert sombre les terres rougeâtres. C'est un vaste tableau, un coin entrevu de l'Orient, s'enlevant dans la vibration aveuglante du jour.
Mais l'Estaque n'a pas seulement cette échappée sur la mer. Le village, adossé aux montagnes, est traversé par des routes qui vont se perdre au milieu d'un chaos de roches foudroyées. Le chemin de fer de Marseille à Lyon court parmi les grands blocs, traverse des ravins sur des ponts, s'enfonce brusquement sous le roc lui-même, et y reste pendant une lieue et demie, dans ce tunnel de la Nerthe, le plus long de France.
Rien n'égale la majesté sauvage de ces gorges qui se creusent entre les collines, chemins étroits serpentant au fond d'un gouffre, flans arides plantés de pins, dressant des murailles aux colorations de rouille et de sang. Parfois, les défilés s'élargissent, un champ maigre d'oliviers occupe le creux d'un vallon, une maison perdue montre sa façade peinte, aux volets fermés. Puis, ce sont encore des sentiers pleins de ronces, des fourrés impénétrables, des éboulements de cailloux, des torrents desséchés, toutes les surprises d'une marche dans un désert. En haut, au dessus de la bordure noire des pins, le ciel met la bande continue de sa fine soie bleue... »...

Et ça continue comme ça encore pendant plus de cinq pages, autant que la cafetière de Proust, sans pour autant être aussi emmerdant. Bien au contraire. Cet extrait est tiré de la nouvelle « Naïs Micoulin », on s'y croirait. Amour impossible à l'époque entre Naïs la pauvre, et Frédéric héritier d'une belle fortune. Curieusement (seulement en apparence), c'est le père de celle-ci, qui découvrant les rencontres nocturnes des amoureux, tentera de liquider Frédéric par divers stratagèmes en simulant des accidents. Et c'est l'arroseur qui fût arrosé ?...

Ces neuf nouvelles naturalistes d'Emile Zola sur des portraits de femmes de son époque sont publiées dans des journaux :
« Au couvent » récit publié le 2 février 1870 dans « La Cloche », puis repris trois jours plus tard sous le titre « Le Couvent » dans « La Libre Pensée » ;
« Le carnet de danse » publié en extrait dans « Le Petit Journal », le 6 novembre 1864 ;
« A quoi rêvent les pauvres filles » dans le journal « Le Rappel » le 3 février 1870 ;
« Un mariage d'amour » dans « Le Figaro » le 24 décembre 1866 ;
« Les regrets de la marquise » dans « La Cloche » le 2 octobre 1871 ;
« Les Veuves » dans le Figaro » le 24 septembre 1865.

Seules trois de ces neuf nouvelles ont été reprises dans des recueils après avoir été publiées dans des journaux  :
« Lili », récit tout d'abord publié dans « La Tribune » le 27 septembre 1868, sera repris dans « Les Nouveaux Contes à Ninon » ;
« L'amour sous les toits » récit prépublié dans « Le Petit Journal » le 13 mars 1865, et repris dans le recueil « Esquisses parisiennes » ;
« Naïs Micoulin » publié pour la première fois dans « Le Messager de l'Europe » en septembre 1877, avant d'être repris dans le recueil auquel il a donné son titre.

Ces précisions pour signaler une fois de plus l'importance des journaux au XIXème siècle, pour les nouvelles et leur diffusion.

Aux éditions Magnard, (2,95€) pour les scolaires préparant le baccalauréat et les petites bourses. Sans cette édition, il aurait été difficile d'avoir accès aux six nouvelles qui n'ont pas été reprises dans des recueils.

Pour les amoureux de Zola et de la peinture naturaliste.