La mise à nu
de Jean-Philippe Blondel

critiqué par Marvic, le 11 octobre 2018
(Normandie - 65 ans)


La note:  étoiles
Un chemin à tracer
Louis Claret est professeur d’anglais depuis une trentaine d’années. À 58 ans, il attend tranquillement la retraite, menant une vie routinière d’homme divorcé, n’envisageant pas de changement avant celle-ci, et n’ayant aucun projet défini.
Jusqu’au jour, où un peu par hasard, il se rend au vernissage d’une exposition de peinture d’un ancien élève devenu artiste renommé ; étonné que ce dernier se souvienne de lui, et encore plus que celui ci le contacte.
Plus surpris encore quand ce dernier lui demandera de poser pour lui. Ses séances de pose, ses face-à-face seront l’occasion de revenir sur les épisodes les plus marquants de sa vie ; son enfance, son adolescence, ses amitiés, ses trahisons, ainsi que sa vie avec Anne, son épouse pendant 20 ans. Souvenirs parfois confrontés avec ceux de son ancien élève.
Ces rencontres perturbantes provoqueront un cheminement révélateur pour Louis, à l’aube de la soixantaine.
Refusant (enfin) le diktat de la soixantaine réussie, il se pose des questions : "avancer, c’est rejoindre des associations, fréquenter des presque sexagénaires et comparer les réussites sociales de vos rejetons. Avancer, c’est appliquer des couleurs délavées à l’aquarelle, arrêter de fumer, opter pour la gymnastique douce, boire un verre de vin rouge de bonne facture de temps en temps, soit, et tiens, pourquoi pas rejoindre un club de lecteurs de la médiathèque locale ?"

Une discussion avec Anne, remettra inéluctablement en cause le mythe du retraité exemplaire :
"Il y a bien longtemps que le hasard n’a pas frappé à ma porte. Je roule au ralenti sur ma départementale, je ne croise ni camion ni moto. Je suis prise dans le filet des tâches quotidiennes. Je m’inscris à des activités pour tenter de me distraire de l’idée que je serai bientôt à la retraite et qu’il va falloir que je rassure tout le monde en répétant que je suis une sexagénaire épanouie et tellement contente d’avoir enfin du temps devant moi. Alors que le temps devant moi, il me terrifie."

Un roman probablement plus anticipatoire qu’autobiographique, bien loin du Baby-sitter lu il y a quelques années. Des réflexions intéressantes sur les choix possibles, sur le libre-arbitre de chacun à chaque âge, sur ce qui fait un destin, au hasard des rencontres et des choix plus ou moins réfléchis.
Mais une réflexion qui redonne le sourire à la toute nouvelle sexagénaire que je suis avec une autre vision que la vue d’Anne et la possibilité de prendre enfin ses responsabilités en toute autonomie, en n’écoutant plus que ses envies, en assumant son passé.
À noter les judicieux titres des parties du roman : anthracite, soufre, terre d’ombre, incarnat, horizon.