Notre histoire intellectuelle et politique - 1968-2018
de Pierre Rosanvallon

critiqué par Veneziano, le 19 septembre 2018
(Paris - 46 ans)


La note:  étoiles
Evolution politique depuis 1968 et parcours personnel
Pierre Rosanvallon, historien, universitaire, professeur au Collège de France, profite des cinquante ans de mai 1968 pour dresser l'héritage de ces événements, l'évolution de la gauche, du libéralisme, remis en cause, et la montée des populismes. Lui-même engagé et s'avérant en fin de carrière, il saisit l'occasion pour retracer son propre parcours, si bien que cette réflexion tient également lieu de témoignage, partie par laquelle il commence. En effet, 1968 a correspondu avec le début de son engagement, pour l'auto-détermination auprès de Michel Rocard, au Parti socialiste unifié (PSU) puis au Parti socialiste au sein de la "deuxième gauche", d'essence sociale-démocrate. Il analyse l'affrontement des nuances de gauche, notamment de la sienne avec la gauche radicale, notamment, au sein du PS, avec le CERES de M. Chevènement.
Les idéologies ont brusquement pris fin à partir des années 1980 avec l'essor du libéralisme triomphant, pour donner lieu à une montée des protectionnismes, souverainismes et populismes, comme de l'abstention.

Cette étude montre quels sont les signes de défiance face au politique, au libéralisme, au moins dans sa forme échevelée. Elle dresse un constat amer sur les formes d'engagement, sur la montée de l'individualisme, mortifère du lien social, phénomène auquel il faut remédier, ce que l'auteur soumet assez clairement.
Ce livre fait réfléchir sur l'héritage de 1968, la place perdue des intellectuels en France et le désenchantement face au politique et au libre-échange. Peu jovial et euphorique, il présente le mérite de faire réfléchir, ce qui n'est pas vain.
Le rendez-vous manqué de la deuxième gauche 9 étoiles

Ayant eu 20 ans en Mai 68, ce jeune étudiant HEC a bifurqué d’un avenir supposé de futur cadre sup en entreprise vers le militantisme syndical auprès du leader CFDT de l’époque Edmond Maire. C’était la période où prévalait le concept d’autogestion au sein de la « deuxième gauche » donc non communiste proche du PSU animé par Michel Rocard. A l’occasion du cinquantenaire Pierre Rosanvallon revient sur ce qui fut pour lui un long et riche cheminement intellectuel après avoir renoncé au syndicalisme proprement dit pour se consacrer à la science politique par le biais de ses nombreuses publications, ses enseignements à l’EHESS(1) puis au Collège de France, ses échanges plus ou moins formels avec ses pairs.
Son histoire commence avec John Locke l’Ecossais libéral des Lumières mettant en avant l’émancipation individuelle de par sa théorie de « propriété de soi » jusqu’à ses premières réflexions sur le populisme de droite comme de gauche à l’échelle mondiale qui pourrait bien déstabiliser un régime démocratique que l’on pensait intangible. Son explication de la déroute électorale de la gauche socialiste en France viendrait d’un vide abyssal de la pensée traduisant l’incapacité de ses intellectuels quasiment anesthésiés par le libéralisme économique ambiant à formuler des idées neuves et mobilisatrices auprès de son électorat de référence.
Loin d’être achevée, c’est une histoire précisément documentée et didactique pour mieux appréhender les dynamiques politico-économiques et les événements qui l’ont traversée et alimentée depuis un demi-siècle.
(1) Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales

Colen8 - - 82 ans - 15 juillet 2019