A son image
de Jérôme Ferrari

critiqué par Killing79, le 14 septembre 2018
(Chamalieres - 44 ans)


La note:  étoiles
L'effet Ferrari
Ce somptueux roman en forme de requiem pour une photographe défunte est aussi l'occasion d'évoquer le nationalisme corse, la violence des guerres modernes et les liens ambigus qu'entretiennent l'image, la photographie, le réel et la mort.

Mon avis: Jérôme Ferrari est un auteur qu’il m’est toujours difficile de chroniquer. A chaque nouvel opus, j’ai du mal à poser des mots sur mon ressenti. En effet, à la fermeture de ses romans, je suis toujours emballé mais il m’est toujours compliqué de comprendre pourquoi. « A son image » ne déroge pas à la règle.

A l’instar de ses précédentes œuvres, il s’empare de thèmes et y apporte son regard personnel. La guerre est une toile de fond de son histoire. Que ce soit en Yougoslavie avec son excès de cadavres ou en Corse avec son nationalisme décadent, les conflits vont traverser la vie d’Antonia, photographe professionnelle.

Mais ce livre est surtout une ode à la photographie. On sent dans ce texte toute l’admiration que porte l’auteur à cet art. Il essaye de l’analyser, de l’expliquer en le transposant dans le milieu guerrier. Il peut ainsi étudier le rapport entre l’image et la mort. Dans ce contexte particulier, il s’interroge sur l’impuissance du métier de reporter sur ces champs de bataille et sur la limite assez ténue qui existe entre information, intimité et obscénité.

Comme les thèmes abordés ne m’attirent pas outre mesure, comme l’histoire racontée est plutôt banale, après réflexion, je crois que c’est l’écriture de Jérôme Ferrari qui fait la différence. Son style d’une remarquable élégance, parsemé de magnifiques longues phrases, imprime un rythme envoûtant à l’histoire. Parfois maniéré, j’imagine qu’il peut rebuter certains/es lecteurs/rices mais sur moi, il produit un effet fascinant presque mystique.

Comme d’habitude, Jérôme Ferrari a écrit un court roman qui dégage une grande densité littéraire. Grâce à sa plume soignée, il arrive à concentrer les idées et les émotions pour entraîner le lecteur dans son univers. En peu de mots, il pose un œil avisé sur tout ce qui l’entoure : le FLNC et son évolution dans le temps, les guerres et leur utilité mais aussi la religion. En bon professeur de philosophie, il nous amène à nous poser des questions sur des sujets qui ne nous sont pas familiers. Je suis donc une nouvelle fois sous le charme de cet écrivain qui sait transcender la matière de ses histoires pour en faire des créations artistiques.
Le pouvoir de la photo 6 étoiles

La mort accidentelle d’Antonia, point du départ du roman, nous amène à revivre les différents moments de sa vie rythmée par la photographie, elle ira jusqu’en Yougoslavie. Son attachement à sa terre d’origine, comme beaucoup de ses compatriotes, l’empêche de vivre pleinement sa vie. Peut-être que pour apprécier pleinement ce roman faut-il y être né comme son auteur ?

Ichampas - Saint-Gille - 60 ans - 13 janvier 2019


Plutôt déprimant 4 étoiles

Contrairement aux autres critiques, je n'ai pas fort apprécié ce roman.
Le parrain -prêtre - d’Antonia, photographe, raconte l’histoire de sa nièce-filleule, qui se termine dans un ravin. Elle est tombée amoureuse d’un indépendantiste corse terroriste qui ne l’a pas rendue très heureuse ; et le reste de sa vie amoureuse n'est pas plus joyeuse. Elle est partie prendre des photos de la guerre de Yougoslavie, puis de mariages, sans jamais vraiment trouver personne pour admirer ses œuvres à leur juste sensibilité et en gagnant à peine sa vie.
Et le parrain revisite sa vie pendant la messe d’enterrement, découpant ses chapitres au gré des parties de la messe… sans que j’y trouve un rapport évident. Cette vie n’est pas enthousiasmante et les personnages peu attachants. Tout cela est plutôt déprimant !
Le style comprend des phrases extrêmement longues.

Pascale Ew. - - 56 ans - 6 décembre 2018


La photographie entre guerre, politique et mort 8 étoiles

La protagoniste, Antonia, est photographe de presse, spécialisée dans les conflits, principalement le nationalisme corse et les incidents y afférents, puis de la guerre dans les Balkans. Elle meurt accidentellement au volant de sa voiture, en début de roman. L'oeuvre constitue donc un long hommage rempli d'émotions et de douleurs, face à son amour inévitablement difficile pour un indépendantiste emprisonné un temps, face à des sujets à traiter des plus difficiles, de l'affection d'un oncle prêtre qui n'a pas su se faire comprendre. Sa mort correspond à un écho des circonstances de son existence, incongrue et dramatique. Elle laisse quelques beaux souvenirs à ceux qu'elle a connus. Ce roman ressemble étonnamment à une allégorie plus générale, et traduit bien les contraintes d'une profession. La beauté austère de cette oeuvre paraît marquante, même si elle reste dure à appréhender.

Veneziano - Paris - 46 ans - 2 décembre 2018


La photographie, la guerre, la mort 10 étoiles

Antonia est une jeune femme dont nous assistons aux obsèques dans un petit village de Corse du Sud : elle vient de disparaître dans un banal accident de la route. La messe est célébrée par son parrain qui "revoit" les épisodes de sa vie bien remplie marquée par sa passion de la photographie qui lui donnera l'occasion de côtoyer bien des évènements marquants de ce siècle. Pourtant ce n'est pas une "star" de la photo et elle couvrira d'abord le quotidien banal de sa région, mariages, enterrements, comices agricoles ou non. Elle nous emmènera aussi et surtout en Yougoslavie et dans la guerre civile corse. Chaque cliché est analysé par référence à la mort, imminente ou déjà survenue, et aux atrocités souvent attachées. Mais pas de voyeurisme, rien de choquant, beaucoup de réflexions profondes.

L'originalité du récit, et son charme, tient à la forme adoptée par l'auteur : chaque chapitre se réfère au rituel de la cérémonie et aux chants traditionnels, Dies irae, Libera me, Requiem aeternam, etc...Beaucoup d'émotion sincère

Tanneguy - Paris - 84 ans - 18 octobre 2018