La mort en bleu pastel
de Maryse Rouy

critiqué par Libris québécis, le 28 août 2018
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
L'Étrangleur de Toulouse
Le Moyen Âge soulève l’intérêt de plus d’un. On a souvent souligné la contribution des abbayes dans le développement des régions où les moines s’établissaient. Les drapiers n’étaient pas en reste. Chacun, dans son domaine, représentait une source d’emplois qui n’était pas à dédaigner. La vie tournait autour de ces deux axes qui ne protégeaient pas nécessairement de la criminalité.

Gervais d’Anceny, le héros du roman de Maryse Rouy, est bien placé pour en témoigner. Ce Parisien avait été envoyé par son père à Toulouse auprès du drapier Dutech pour y apprendre le métier. La ville au 14e siècle attirait l’attention de tous les marchands de tissus. On y produisait un bleu à nul autre pareil grâce à une plante, le pastel, que l’on réduisait en poudre pour obtenir la couleur tant appréciée. Porter un vêtement aux teintes de cette palette chromatique était un rêve. Les séducteurs l’avaient compris en offrant un foulard de ce bleu toulousain à celle qu’ils voulaient conquérir.

Hélas, la quête de jupon n’intéresse pas uniquement les âmes bien intentionnées. On en oublie la bienséance pour se livrer à des actes inappropriés, voire au meurtre des récalcitrantes, peut-on croire. Trois jeunes Toulousaines furent ainsi assassinées en peu de temps dans l’entourage du drapier auprès duquel Gervais suivait son apprentissage. Curieux, le futur drapier prit sur lui de mettre la main au collet du sicaire, qui, à ses yeux, était le même individu à cause de la similitude du geste mortel posé, soit l’étranglement de la victime avec un foulard bleu pastel.

Ce volet du roman rapporte tous les soupçons des personnes que Gervais envisage comme étant éventuellement coupables. Soutenu par toute la famille et le personnel de Dutech, le héros met tous et chacun sur des pistes qui pourraient mener à l’ignoble assassin. En somme, il organise une enquête collective pour se substituer au prévôt dont les méthodes se révèlent plutôt inefficaces.

Ces événements font l’objet d’une chronique écrite par Gervais lui-même. Pour s’y faire, il se rend dans un monastère où il croit qu’il pourra réaliser en toute tranquillité son projet scriptural. La vie qu’on y mène n’est pas aussi paisible que l’on imagine. Umberto Eco l’a démontré dans Au nom de la rose. Pendant son séjour à l’abbaye, on apprend à Gervais qu’un livre important a été volé à la bibliothèque. Titillé par les actes répréhensibles, il promet à l’abbé de mettre le grappin sur le coupable. Toute une stratégie de branle-bas s’engage pour retrouver le trésor du monastère et son voleur. Sa valeur vient du fait qu’à l’époque, les livres se faisaient rares parce que ce sont les moines qui écrivaient les textes à la main en plus de les enrichir d’enluminures.

Le roman se double ainsi d’une autre trame qui alterne avec la première. C’est sur une uchronie qui mêle l’univers monacal et drapier que l’auteure assied son œuvre aux accents policiers. Elle est passée maître dans l’art du genre. Instructif et intéressant, son roman plaira à de nombreux lecteurs. Cependant l’écriture de Maryse Rouy exige que l’on soit attentifs. Les tournures de phrases ralentissent passablement le rythme de la lecture. Et la chronique de Gervais d’Anceny écrit à la troisième personne agace quelque peu. Le JE aurait été préférable.