Fugitive parce que reine
de Violaine Huisman

critiqué par Blue Cat, le 11 février 2019
( - 59 ans)


La note:  étoiles
La reine est morte, vive la reine !
Je craignais que ce livre soit dans le sillage de 'Rien ne s'oppose à la nuit' de De Vigan. J'avais beaucoup apprécié ce dernier et me méfiais d'un nouveau récit autobiographique trop proche et peut-être moins bien écrit.

En fait, oui, on peut considérer que les deux récits sont très proches. Dans les deux cas, deux petites filles fusionnelles avec leur mère bipolaire, subissant sa violence psychique mais aussi son charisme et son amour passionnel.

Le style choisi par Violaine Huisman est dans la lignée du langage employé par sa propre mère, souvent ordurier. Cette mère lumineuse, aimante, folle, hystérique, dangereuse, insultante, obscène, parfois d'une violence extrême (meurtre de son propre chien au couteau). Danseuse déchue et déçue par les hommes, tous les hommes, même le père de ses deux filles qui pourvoit pourtant à ses besoins jusqu'à sa mort, bien après leur séparation.

Cette mère fantasque, profondément meurtrie dans l'enfance par une maladie handicapante, une mère distante, un père haïssable et absent, m'a semblé être dans la survie dès le départ. Son suicide, à 64 ans, était prévisible. Pourtant ses filles, dont l'auteure, sont fracassées par sa mort, tant il est vrai que les enfants s'attachent à la vie, à la mort, au parent déficient et fragile. .

Ma conclusion est que le livre de Delphine De Vigan est mieux écrit, de plus il m'a été plus facile d'être en empathie avec sa mère bipolaire qu'avec la mère de Violaine Huisman. La violence, verbale et physique, de cette dernière me l'a rendue bien peu sympathique, dommage.

Pour autant 'Fugitive parce que reine' reste un récit fort et la sincérité de sa fille, l'auteure, ne fait aucun doute.
Les sens en eveil 8 étoiles

Comme cela a été dit précédemment le livre est composé de deux parties, la première raconte la relation de Violaine et de sa sœur avec leur mère maniaco-dépressive, c’est-à-dire toujours dans les excès à la limite de la folie. C’est parfois drôle, parfois triste, toujours très fort.
La seconde partie est une biographie de cette mère séduisante toujours à l’écoute de ses désirs et de ses envies, jamais satisfaite, jamais rassasiée. Il y a en effet quelques longueurs mais cette partie révèle la difficulté pour cette femme devenue malade, mais en fait par effet de miroir pour chacun, de se réaliser, de vivre sa vie amoureuse, sexuelle et de parent.
C’est un livre important que je recommande vivement.

Yeaker - Blace (69) - 50 ans - 21 avril 2020


Une vie en lambeaux.. 6 étoiles

Roman autobiographique d’une femme, Violaine Huisman qui retrace son existence d’enfant avec sa mère, Catherine Cremnitz, ainsi que la vie tumultueuse de cette dernière, dont la beauté sera sa perte. Elle changera 7 fois de nom au gré, tout d’abord de sa mère biologique, qui se fera engrosser par un proxénète dont elle ne voudra pas comme mari, et ensuite de ses divers amoureux.. dont le père de l’auteure, Denis Antoine Huisman avec qui elle aura 2 enfants, Elsa et Violaine.

On nous décrit les souffrances des deux petites filles, face à cette mère bipolaire qui suit son mari dans ses partouzes. Personnellement, je ne comprends pas comment cet homme, dénommé Denis Antoine Huisman, âgé aujourd’hui de 90 ans n’a pas réagi à la manière dont on le présente dans ce roman. Il est un notable reconnu en France, président d’enseignement, écrivain et professeur de français et il aurait mené une vie tout à fait dissolue si on en croit ce roman…. Il me fait un peu penser à Edouard Stern, ce banquier assassiné par sa maîtresse.. Ou alors à Dominique Strauss Kahn…

Bref, les deux petites filles héritent d’une mère maniaco-dépressive. Violaine nous raconte sa vie quotidienne, semée de coups, d’embrassades et de réconciliation, sans oublier les séjours de sa mère en hôpital psychiatrique.. Malgré tout, elle s’en sortira indemne, si on en croit l’amour inconditionnel qu’elle continuera à porter à cette mère, qui restera sa « reine » jusque dans le titre du roman

La première partie du roman est plus intéressante que la seconde partie. La partie 1 se concentre sur la vie de la mère, Catherine Cremnitz et on comprend mieux sa personnalité perturbée, ayant été une enfant non désirée manquant cruellement d’amour maternel. On ne peut donner que ce qu’on a reçu.. L’analyse psychologique est parfaite. On est de tout cœur avec elle et on déteste la mamie sans cœur.
« Maman disait que mamie n’était pas venue la voir à l’hôpital. Elle disait que si elle s’en était tirée, c’était grâce à l’infirmière de son étage qui s’était prise d’affection pour elle. Des psychologues ont étudié les conséquences de la séparation sur les jeunes enfants, des orphelins ou des enfants gravement malades. Sans la constance d’une figure stable et affectueuse à laquelle le jeune enfant peut s’attacher, certains se laissent mourir, d’autres n’apprennent jamais à marcher où à parler, tous manifestent de graves troubles de comportement. Pour fabriquer de l’humain, il faut le contact du corps, sa chaleur, son odeur, le bruit de son souffle, les fluctuations de sa voix, le bout de ses doigts, le goût de ses lèvres. »

Par contre dans la deuxième partie, cette mamie nous est présentée comme la grand-mère idéale pour ses deux petites filles.. Quel retournement de situation !!! Cette femme sans coeur pour sa propre fille devient la gardienne de ces petites filles délaissées trop souvent par une mère fantasque qui court de cocktail en cocktail, de partouze en partouze et d’homme en homme… et qui, comble de l’horreur, tue de ses propres mains le chien de sa fille… tout simplement parce qu’il lui a pris l’envie de tuer quelqu’un..
Je pense alors à Joey Starr et à ce souvenir douloureux de son enfance où son père a tué son lapin, qu'il l'a forcé à manger…malgré ses hurlements de désespoir…

« La petite chienne, c’est elle qui l’avait tuée, avec son couteau de cuisine. Tu comprends, il fallait que je tue quelqu’un, et c’était, soit lui, ce salaud , soit sa pute, soit la chienne. J’avais tellement mal, tu sais. Mais j’étais pas complètement folle, j’avais conscience que si je tuais cette ordure, je finirais en prison, et je ne pouvais pas vous faire ça les filles. Alors la chienne, oui, elle y est passée, et c’était injuste, et c’était dur pour toi parce que tu y étais très attachée à cette petite chienne, mais il fallait que quelqu’un y passe, y avait pas moyen de faire autrement ».

Ce premier roman a obtenu le prix des lectrices de « Elle ». L’auteur vit à New York. J’ignore si elle a encore des contacts avec son père, âgé aujourd’hui de 90 ans. Sa mère, quant à elle s’est suicidée peu après son mariage avec son enième amant, un Sénégalais de l’âge de ses filles…

Darius - Bruxelles - - ans - 9 janvier 2020