Le Prince à la petite tasse de Emilie de Turckheim

Le Prince à la petite tasse de Emilie de Turckheim

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Killing79, le 22 août 2018 (Chamalieres, Inscrit le 28 octobre 2010, 44 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 4 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (15 087ème position).
Visites : 3 674 

Bienveillance et générosité

Présentation de l'éditeur
Un jour, j’ai dit : « Ils sont des milliers à dormir dehors. Quelqu’un pourrait habiter chez nous, peut-être ? » Et Fabrice a dit : « Oui, il faudra juste acheter un lit. » Et notre fils Marius a dit : « Faudra apprendre sa langue avant qu’il arrive. » Et son petit frère Noé a ajouté : « Faudra surtout lui apprendre à jouer aux cartes, parce qu’on adore jouer aux cartes, nous ! »

Pendant neuf mois, Émilie, Fabrice et leurs deux enfants ont accueilli dans leur appartement parisien Reza, un jeune Afghan qui a fui son pays en guerre à l’âge de douze ans. Ce journal lumineux retrace la formidable aventure de ces mois passés à se découvrir et à retrouver ce qu’on avait égaré en chemin : l’espoir et la fraternité.


Mon avis: « Toi qui t’inquiètes tant du sort des migrants, pourquoi tu n’en prends pas un chez toi ! ». Qui n’a jamais entendu une connaissance se lancer dans une de ces envolées démagogiques ? Emilie De Turckheim apporte la solution pour répondre à cette question : Elle et sa famille ont décidé d’accueillir un immigré au sein de leur foyer.

Pendant quelques mois, elle a tenu un journal où elle a retranscrit toutes les interactions concernant Reza, leur invité. Jour par jour, le lecteur découvre donc ce personnage qui apparaît comme atypique par ses différences. Il est issu d’un autre pays, d’une autre culture et ne parle pas la même langue. Son comportement, ses idées et ses échanges avec la famille génèrent des situations tour à tour décalées et dérangeantes. Les dialogues sont souvent cocasses, surtout lorsqu’ils ont lieu avec les enfants. Leur naïveté entraîne des interrogations qui ouvrent sur des réflexions intéressantes concernant notre société.

Au final, tous ces moments passés ensemble vont permettre aux deux parties d’évoluer dans leur rapport à l’autre. Ce récit ouvre aussi les portes de notre esprit en faisant la démonstration, par l’exemple, de l’importance de la communication. Cela peut permettre de désamorcer la peur légitime de ce qui nous est inconnu et agrandir le champ des possibles.

Sans fioriture et en toute simplicité, Emilie De Turckheim nous livre un court récit d’une grande générosité. Avec une écriture sobre et agréable, elle ne cherche à aucun moment à donner des leçons ou à être moralisatrice. Elle veut juste nous montrer le quotidien singulier qu’elle a vécu durant ces semaines et qui a changé sa vie. Je ne connaissais pas les romans de cette autrice et cela ne saurait tarder. Mais j’ai beaucoup aimé ce petit traité de bienveillance qui peut, à sa petite échelle, faire évoluer les mentalités et redonner aux étrangers une part d’humanité.

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Un livre... heureusement court.

5 étoiles

Critique de Mimi62 (Plaisance-du-Touch (31), Inscrit le 20 décembre 2013, 71 ans) - 19 mars 2020

Le début m'a paru prometteur de par le thème. Les premières pages, les premiers chapitres même, étaient rythmés de par leur brève longueur. Le style laisse à penser que l'on va être convié à une rencontre entre deux personnes qui n'ont rien de commun.

J'ai d'abord ressenti un certain malaise que je n'ai pas identifié tout de suite, cela relevait de l'atmosphère.
J'ai finalement ressenti un désir physique de la part du personnage principal envers ce réfugié. Le malaise vint de ce que cela était sous-jacent, qu'elle n'était pas amoureuse de lui mais qu'elle "voulait se le faire" entre autres pour son côté "exotique". Ce n'était pas exprimé clairement mais les attitudes équivoques apparaissaient régulièrement, et plusieurs décisions apparaissaient comme la volonté de le séduire. Je n'ai pas réussi à me défaire du sentiment que cela ne se passait pas à l'insu de la narratrice, mais qu'elle en était bien consciente.

Ensuite, les personnages secondaires sont totalement inexistants. Du père, on ne connaît que le prénom. Pour le reste, on se demande quelle vie il a avec son épouse, quelle vie il a, tout simplement ? Ah, si, apparemment il lui arrive de partir en vacances avec elle. On n'a jamais non plus une idée de ce qu'il peut penser, de son ressenti de la situation.
Quant aux enfants, ils sont là comme éléments décoratifs à qui on donne une fonction d'animation de temps à autre.

Enfin, le ressenti de Rezza, le réfugié... on apprend qu'il a vécu beaucoup de situations dangereuses, qu'il a traversé plusieurs pays, qu'il a dû se cacher et fuir, qu'il ne sait ce qu'est devenue sa famille, qu'il aimerait retrouver son pays d'origine ainsi que ses proches. A moins de n'avoir jamais rien entendu sur ce sujet, sinon tout cela ne nous apprend rien.
C'est un réfugié qui partage sa culture, essentiellement culinaire, qui a une réelle volonté d'intégration... et n'a aucune exigence religieuse.

Sur le plan émotionnel, peu de choses transparaissent, il s'agit plutôt d'une succession de faits, le tout semblant davantage appartenir à un espoir idyllique qu'à une réalité.

J'ai terminé le livre car je ne sais pas abandonner un livre, mais je me suis assez vite ennuyé à sa lecture.
Un ado peu au courant du vécu d'un réfugié pourrait peut-être y trouver intérêt mais un reportage lui en apprendrait bien davantage.

En conclusion, ça se veut un roman mais il manque la trame romanesque et ce ne peut être un documentaire ou un essai car il manque le réalisme.

La générosité partagée

9 étoiles

Critique de Pascale Ew. (, Inscrite le 8 septembre 2006, 56 ans) - 19 janvier 2019

Dans ce récit, l’auteure raconte une année pendant laquelle sa famille a accueilli un jeune migrant Afghan dans son appartement parisien. Reza a 22 ans à son arrivée chez eux. Il a déjà un long passé de fuite derrière lui – il a quitté son pays à 12 ans -, a vécu notamment en Norvège et il se raconte par bribes au fil du temps, dans un français balbutiant, hésitant, si difficile à apprendre.
Emilie émaille son récit d’anecdotes, de petits moments de la vie de tous les jours qui ont pris une couleur nouvelle, celle de la découverte, de l’adaptation réciproque. Reza s’avère être un garçon charmant et l’expérience semble si positive qu’elle donnerait envie à tout le monde de la tenter. J’allais dire que cela paraît presque trop beau pour être vrai car l’auteure effleure à peine les difficultés rencontrées. Chacun semble avoir autant reçu que donné. Quoiqu’il en soit, j’ai été touchée par la sensibilité de l’auteure, la générosité de sa famille et le personnage de Reza, tout aussi généreux d’ailleurs. Ce roman est écrit avec beaucoup de légèreté, teinté d’humour et il fait beaucoup de bien. Vite lu. Le petit plus : les poèmes de l’auteure.

Un joli partage

10 étoiles

Critique de Nathavh (, Inscrite le 22 novembre 2016, 59 ans) - 19 septembre 2018

C'est un récit de vie, un partage avec nous lecteurs d'une expérience de vie magnifique qui nous est proposé.

Emilie de Turckheim, Fabrice son mari et leurs deux enfants Marius et Noé ont accueilli le temps d'une grossesse, un jeune afghan de 21 ans; Reza, le tout encadré par le Samu Social.

Bravo pour le geste, une expérience enrichissante qui ouvre l'esprit et crée des liens, modifie le regard envers l'autre. Merci de la partager avec nous dans ce très joli livre.

Dans un petit appartement parisien, la famille libère une chambre pour Reza qui souhaitera qu'on l'appelle Daniel ensuite. Sous l'encadrement du Samu Social, l'idée étant de lui permettre de s'intégrer, de réussir son insertion dans notre société. Reza vient d'obtenir ses papiers , il travaille dans une crèche où il fait des ménages. Il est par ailleurs très maniaque, aime l'ordre, la propreté, cela n'a pas dû être simple pour lui dans la rue.

Reza va devoir vaincre ses PEURS constantes, l'uniforme par exemple, ou être renvoyé dans son pays. On apprendra petit à petit son histoire. Depuis qu'il a quitté son pays l'Afghanistan, dix ans se sont écoulés. Il peut enfin se poser, prendre un nouveau départ et se reconstruire.

Ce n'est pas son histoire, ni son périple qui sont mis en avant mais plutôt ce qui se passe aujourd'hui , comment s'intégrer, prendre confiance dans un pays, dans une culture et une langue si différente de la sienne.

Peurs à vaincre donc, CONFIANCE à trouver, ou celle qui lui est donnée pour qu'il se sente bien chez Emilie et les siens.

Emilie et sa famille sont très attentifs à ne pas le choquer, à ne pas commettre d'impairs, à faire en sorte qu'il se sente vraiment bien, chez lui.

Il est discret Reza, il ne veut pas faire de bruit, toujours en train de nettoyer mais comment a-t-il fait pour vivre dans la rue...

Reza s'oublie souvent au profit des autres, il est généreux, plutôt que d'économiser pour demain, il préfère acheter de la nourriture ou des tentes pour ceux qui vivent dans la rue. Il est bienveillant et veut toujours faire plaisir.

On comprend aussi grâce à ce récit la difficulté d'apprendre la langue, ne fut-ce que par la difficulté de trouver un dictionnaire adapté.

De ce beau récit je retiens principalement des mots :
"Peurs", celle de Reza mais aussi de la famille d'Emilie de mal faire, de choquer, de froisser leur hôte.
"Confiance" sans limite accordée d'entrée de jeu à Reza, une des clés sans doute de la "reconstruction".
"Pudeur" dans l'écriture d'Emilie mais aussi dans le chef de Reza.
"Solitude", "Isolement" Reza qui se sent seul dans cette situation particulière.
"Dialogue" très important qui se crée peu à peu dans le rituel de la tasse de thé, avec les enfants surtout, la clé de l'intégration, d'une compréhension mutuelle et de la découverte de l'autre.
Et enfin, "Bienveillance" l'un envers l'autre.

L'écriture est simple, sincère, ponctuée de poèmes , une des autres passions de l'auteure. Elle est sans fioriture, sobre, authentique, agréable. Avec beaucoup de pudeur et de générosité cette expérience de vie nous est partagée pour je l'espère changer la vision de certains, éveiller les consciences qu'un migrant est avant tout une personne qui à mon sens encore plus que d'autres a besoin d'attention, de bienveillance pour trouver sa place dans notre société.

On peut y contribuer si l'on change notre vision des choses.

Merci Émilie pour ce joli partage, un récit lumineux de la rentrée.

Un coup de coeur ♥

Les jolies phrases

Il sait ce que fuir veut dire. Avoir le corps pour seul abri. Avoir comme monde entier son corps.

Accueillir, c'est cuisiner. C'est acheter des légumes, les couper, les faire longuement revenir dans l'huile d'olive. Accueillir, c'est ne pas se dépêcher. Ne jamais bâcler la cuisine.

Avoir des papiers. Ne surtout pas les perdre. Veiller sur les papiers comme sur un feu qui ne doit jamais s'éteindre.

Sa joie est si réelle qu'on pourrait la toucher. Il a besoin d'entendre parler farsi comme d'un toit. Entendre enfin sa langue et y trouver refuge.

Que se passe-t-il, au fond de soi, quand on a perdu sa langue et sa famille et qu'on cherche éperdument un lieu, même étroit, même sourd, où replanter sa vie ?

Quand on fuit, il n'y a pas de fin à la fuite. La ligne d'arrivée est comme celle de l'horizon : imaginaire.

La vérité, c'est que notre confiance en lui est sans limite. La confiance est un prénom. Elle nomme celui qui en hérite.

Apprendre le français, ce n'est pas seulement apprendre des mots inconnus et une façon mystérieuse de les ordonner. Apprendre le français, c'est faire table rase. C'est l'ultime effort de renaissance après avoir dépensé toutes ses forces pour survivre à la guerre, à une décennie d'exode, au malheur sans fond d'avoir perdu toute trace de sa famille.

Le jour où quelqu'un se fait du souci pour vous, vous n'êtes plus seul.

Accueillir quelqu'un est un voyage joyeux. Être accueilli est une aventure sans repos.

La lecture est une sorte de course d'endurance : au début, c'est difficile, ennuyeux et décourageant. Et puis à force d'essayer, à force de mettre un pied devant l'autre, à force de pousser ses yeux de mot le long des lignes, quelque chose jaillit. Le monde se rue à l'intérieur de soi. Et tout apparaît. Et toutes les voix s'élèvent. Et tout palpite.

C'est guerre dans mon pays. Chez vous, c'est guerre dans la tête.

Plus je l'écoute plus je comprends qu'il en sait trop sur la souffrance humaine pour juger qui que ce soit.

Mais le plus souvent, les gens lisent parce que leur corps, dans leur jeunesse, a côtoyé des livres et des gens qui lisent.

J'ai toujours peur que ce temps partagé soit un nid fragile, posé sur la route d'un exil qui ne finira jamais. Un nid que la vie, injuste et violente, aura vite fait d'écraser.

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