Patria
de Fernando Aramburu

critiqué par Tanneguy, le 9 août 2018
(Paris - 84 ans)


La note:  étoiles
Deux familles au pays basque pendant le "règne" de l'ETA
Un livre précieux pour tous ceux qui (comme moi) n'ont guère l'idée de ce qu'ont vécu les espagnols et les basques pendant les années de plomb rythmées par les attentats de l'ETA et les représailles qui ont suivi. Il s'agit d'un roman qui met en scène deux familles amies et proches dans un village basque. Tout va basculer quand le père de famille est assassiné par l'ETA et que le fils de l'autre famille rejoint les rangs de l'organisation terroriste pour y commettre des attentats.


L'auteur a choisi de découper son récit en très courts chapitres qui passent d'un sujet à l'autre sans vraiment suivre un ordre chronologique ; c'est parfois un peu difficile à suivre, mais sans exagération. Le lecteur a la possibilité de se faire sa propre idée de ce qui a déclenché cette folie meurtrière : idéologies politiques mais aussi haines recuites attisées par envies et jalousies, excitations d'une jeunesse parfois désœuvrée. Les personnages sont attachants mais pas toujours sympathiques !


On ne peut s'empêcher de ce qu'on observe de nos jours en Catalogne par exemple et même en Corse. Des conflits de cet ordre sont-ils inéluctables ?
Euskal Erria 8 étoiles

@Falgo a raison, ce roman mérite une meilleure exposition pour ses qualités. Manifestement, les choses changent car c’est en regardant l’émission Invitation Voyage avec pour thème le pays Basque, en lien avec Patria, que l’idée m’est venue de lire ce roman. Le reportage l’a mis en valeur, nul doute là-dessus.
Il va sans dire que ce roman sur le quotidien de deux familles basques que tout unissait mais irrémédiablement séparées par le conflit Basque est des plus intéressant.
Aramburu nous livre un roman imprégné de culture basque tout en l’ancrant dans la réalité, celle d’une terre riche de par son passé, son histoire, sa langue mais surtout de par sa culture. En lisant Patria, j’ai souvent eu cette impression d’une histoire réelle, à la manière d’un De sang froid de T. Capote. Pourtant toute cette histoire est purement fictionnelle.
Il faut dire que les personnages, particulièrement bien campés, sont réalistes. Ils pourraient être vous, moi, un membre de votre famille ou un voisin. Bref, monsieur et madame tout le monde.
Autre point réussi : son ancrage territorial avec ce petit village basque. Modèle de bourg où tout le monde se connaît. Les rumeurs circulent vite, tout se sait. Malgré l’éloignement des grandes villes, il n’échappera pas aux conséquences de cette guerre civile menée par l’ETA.
Une lecture intéressante.

Sundernono - Nice - 40 ans - 25 novembre 2022


Un grand livre 10 étoiles

Je suis très étonné du peu d'intérêt manifesté pour ce livre sur ce site, hors une critique malheureusement trop sommaire de Tanneguy. Car il s'agit d'un livre dont le sujet et les qualités littéraires sont de premier ordre. Mais il est très peu médiatisé, je ne l'ai connu que par mon cercle de lecture. Il est vrai que les questions basques n'intéressent guère les français, contrairement aux espagnols qui ont souffert dans leurs esprits et dans leurs chairs des théories et des violences de l'ETA et ont assuré à ce livre un grand succès de librairie (plus de 700 000 exemplaires vendus). Aramburu a choisi de retracer la vie d'un village basque soumis à la coupe de l'ETA, conduisant à une rupture profonde entre deux familles auparavant très proches. Alors s'entremêlent et se superposent plusieurs points de vue au fil de 125 courts chapitres. Le premier est l'emprise puissante de la domination mafieuse de l'ETA sur les pensées et les comportements des personnages. C'est elle qui est à la racine de la séparation des deux familles, du meurtre du père de l'une par un fils de l'autre. Le second est l'effroyable impact de cette domination sur les destins, les choix, les comportements, les amours, les maladies, les morts des personnages. Tout ceci est exprimé dans le détail avec une grande force et beaucoup de subtilité. Avec une langue très sobre, sans fioriture ni recherche littéraire, Aramburu construit son récit avec un grand art. Les nombreux retours en arrière chronologiques sont justifiés par les comportements ou pensées immédiats du personnage et aident le lecteur dans la compréhension du récit. Je n'en veux pour exemple que l'utilisation d'un objet, un bracelet de pacotille, donné par le père d'une famille à une enfant de l'autre, perdu puis retrouvé et remis par le fils à celle qui est devenue une adulte handicapée. Il y a là un symbole de toute cette histoire, artefact littéraire porteur d'une signification profonde. Admirable..

Falgo - Lentilly - 84 ans - 13 octobre 2018