Un Jeûneur et autres nouvelles
de Franz Kafka

critiqué par CCRIDER, le 4 juin 2004
(OTHIS - 76 ans)


La note:  étoiles
Cruelle étrangeté
Ce livre comporte 7 nouvelles parmi lesquelles les deux dernières " Le Terrier" et"La Taupe Géante" relèvent plus de courts romans inachevés dans la ligne de"La Métamorphose" que de véritables nouvelles à proprement parler .
"La colonie pénitentiaire" est une histoire d'une rare cruauté et d'un profond désenchantement . Un officier , fier de ce qu'il a contribué à concevoir , présente à un voyageur étranger , sa bizarre machine à torturer qui fut ultra-moderne en son temps et fit même l'admiration de toute la population à l'époque du précédent commandant . Malheureusement , elle est tombée en désuétude avec le nouveau , ce qui place l'officier dans la position difficile de celui qui n'est plus "dans la ligne" . L'étranger ne supporte pas la barbarie de la sentence que l'on s'apprête à exécuter . Il semble décidé à en parler au commandant . Du coup , l'officier prend volontairement la place du condamné sur la machine qui , déjà vétuste , se détraque . Alors ... je n'en raconte pas plus . Voilà donc un tableau de la cruauté gratuite , étrange , de l'insignifiance , de l'incompréhension des masses et de la culpabilité insurmontable de l'homme seul qui a placé son idéal sur une mauvaise voie .
"Premier chagrin" présente un trapéziste qui ne veut plus quitter les hauteurs du cirque . Même thème que "Le Terrier" ou "Le jeuneur" , la solitude , la peur des autres et l'incompréhension dans les deux sens .
"Une petite femme" est une gentille ( en apparence seulement ) description d'une situation d'incommunicabilité où l'auteur ou son double se trouve dans la position de bouc émissaire et d'éternel coupable .
Tout aussi cruelle , la meilleure nouvelle est , à mon sens "Un champion de jeûne " qui montre un personnage de cirque ( image dévergondée des ascètes et des anachorètes du Désert dans les débuts du christianisme ) qui s'évertue dans son étrange spécialité de repousser les limites et d'aller jusqu'au bout de sa folle démarche . La fin vient d'elle-même .
Il y a bien sûr un côté fantastique voulu chez Kafka , mais peut-être n'est-ce que l'aspect le plus apparent . En réalité , l'homme de Prague qui , après une enfance malheureuse , sacrifia sa vie pour la littérature , fut un des plus fins explorateurs des misères de l'âme humaine , une sorte de prophète un peu hermétique . Il semble même qu'il allait jusqu'à craindre qu'on ne le comprenne , c'est ce qu'il répétait souvent à son ami Max Brod . Qu'il se rassure depuis sa tombe , son oeuvre , une des plus extraordinaire et novatrice qui soit , nous interrogera longtemps en nous laissant dans l'admiration devant son génie .
Angoissant 9 étoiles

La colonie pénitentiaire et autres récits (édition Gallimard, collection Du monde entier) est le premier livre que j'ai lu de Franz Kafka. J’avais beaucoup entendu parler de lui, mais j’avoue que je ne m’attendais pas à ça. C’est une lecture que m’a faite une forte impression, on passe par un éventail d’émotions. Ce recueil contient trois de mes nouvelles préférées de Kafka : Un champion de jeûne, La colonie pénitentiaire et Le terrier.

La colonie pénitentiaire : Un explorateur connu visite une colonie pénitentiaire où il est invité à participer à une exécution effectuée par une machine étrange. Très dure comme première lecture de Kafka, ça surprend ! Il faut avoir les nerfs solides, les tortures sont détaillées et visuelles. Je me suis sentie frustrée, mais c’était excellent. (5/5)

Premier chagrin : Un trapéziste passe tout son temps (littéralement) sur son trapèze. Je n’ai pas vraiment trouvé ça intéressant. Le personnage principal est complètement déconnecté du monde et je ne le trouve pas attachant. J’ai trouvé la finale ridicule. (1/5)

Une petite femme : Le narrateur ne comprend pas l’animosité inexpliqué que lui porte une femme. J’ai trouvé la nouvelle intéressante, mais ça ne m’a pas marqué. Il faudrait que je la relise. (3.5/5)

Un champion de jeûne : Un artiste du jeûne dont la profession tombe en désuétude décide de repousser les limites de son art. C’est LA nouvelle de Kafka qui m’a le plus touché, la fin est cruelle. (5/5)

Joséphine la cantatrice ou le peuple des souris : Joséphine est une souris diva et elle est l’espoir de son peuple. Sa force est son chant. Mais, ne ressemble t’il pas au chant de n’importe quel souris ? Je ne sais pas trop quoi penser de cette nouvelle... (3/5)

Le terrier : Le narrateur est une taupe qui se terre avec la peur d’un ennemi (imaginaire ?). Une des dernières nouvelles écrites de l’auteur. Elle est inachevée, mais c’est une de mes préférées quand même. L’écriture est très atmosphérique et j’ai trouvé la façon de raconter son histoire originale. (5/5)

La taupe géante : C’est l’histoire d’un conflit entre un instituteur et un admirateur pour la découverte d’une taupe géante. C’est une nouvelle inachevée que je n’ai pas trouvée de mon goût. (1/5)

Les nouvelles de Kafka sont des joyaux littéraires, je crois qu’on s’enrichit à les lire.

Nance - - - ans - 24 juillet 2008