Dictionnaire amoureux de Naples
de Jean-Noël Schifano, Alain Bouldouyre (Dessin)

critiqué par Pucksimberg, le 4 juillet 2018
(Toulon - 44 ans)


La note:  étoiles
Une superbe déclaration d'amour à la ville de Naples
Je n’avais encore jamais lu un volume des dictionnaires amoureux et appréhendais un peu cette lecture par crainte que cela soit fastidieux de passer d’un sujet à un autre, mais j’ai été captivé par cet ouvrage. La ville de Naples exerce déjà une fascination sur moi, elle est tellement loin de ce qu’en montrent les médias. A force de caricaturer on en vient à mentir … Et depuis quelques mois je prends un vif plaisir à lire Jean-Noël Schifano dont on ne parle pas suffisamment et qui écrit merveilleusement bien. Ce dictionnaire lui permet d’exprimer tout son amour pour cette ville avec sa force poétique habituelle.

Jean-Noël Schifano évoque certains lieux de Campanie comme Pompéi, les champs phlégréens, Pozzuoli ... Par la magie de son écriture, ces endroits, magnifiques, deviennent des lieux mythiques habités par des légendes. Ce sont aussi des endroits ayant suscité la curiosité de nombreux auteurs. Certains artistes ont aussi leur article comme le Caravage, Flaubert, Nerval et Elsa Morante que l’écrivain a bien connue. Il se concentre aussi sur des individus ou des références purement napolitaines comme le comédien mythique et adoré des Italiens Toto, le personnage de Polichinelle ou même la Camorra. Pour les gourmands il y a le chapitre sur les sfogliatelles, pâtisserie délicieuse n’ayant pas le goût de celles qui sont commercialisées en France qui sont souvent bien sèches :
« La sfogliatelle a la forme de Naples, amphithéâtre où les maisons s’étagent elliptiquement les unes sur les autres, s’enchâssent les unes dans les autres, comme le fin ruban continu de pâte feuilletée. La sfogliatelle a la couleur blonde de la pierre dont est bâtie tout Naples, le tuf léger qui s’effrite et coule par vagues arrondies vers la mer, comme une demi-lune d’un rayon de miel au soleil d’avril. La sfogliatelle a la douceur de Naples, une douceur de dôme caressé d’azur, une douceur orientale, bombée, veloutée, enveloppante qui nous sollicite, nous séduit, nous absorbe et, jubilante métamorphose, nous fait oublier les minces rubans friables de notre moi occidental. »

On pense au poème « Le pain » de Ponge et franchement Jean-Noël Schifano n’a pas à rougir. Cette pâtisserie devient Naples et la ville parthénopéenne devient cette sfogliatelle. Sa plume est poétique et métaphorique et témoigne de la sensibilité et de l’intelligence de l’auteur qui joue aussi souvent avec les étymologies. Le texte sur Maradona est génial. L’auteur propose une biographie littéraire. Le footballeur atteint le range de mythe et devient plus qu’un simple mortel.

L’ouvrage terminé, on ne pense qu’à une chose : repartir à Naples et projeter tout ce que l’on vient de lire sur les murs de la ville. L’écrivain a sans doute modifié notre perception du réel par sa culture immense sur cette région qu’il aime et qui le lui a bien rendu.