Les bornes du temps - Les pensées en action
de Martine Bores

critiqué par Débézed, le 25 juin 2018
(Besançon - 76 ans)


La note:  étoiles
Vivre ses envies...
J’ai lu dans le tome I de cette trilogie poétique le difficile chemin que Martine raconte avec beaucoup de pudeur et de courage, combattant la douleur et le handicap sans jamais baisser les bras même si elle laisse filtrer des moments découragement qu’elle surmonte bien vite. Dans ce tome 2, elle nous montre surtout comment avec son esprit et ses mots, elle mène ce combat pour conserver espoir et dignité. La volonté est sa force principale, elle ne doit plus rien à personne, elle ne reconnait plus aucune autorité, son combat est son seul devoir.

« Puisque je n’ai plus rien à perdre désormais
Je peux tout envoyer promener sans problème, »

Se battre mais se battre pour un objectif : « Je veux me battre pour vivre » et non pas seulement pour survivre, pour vivre des envies, des désirs, des joies…

« Je préfère garder ma volonté intacte
En me battant avec ma hargne raisonnée,
Et si ma lutte peut avoir le moindre impact
Pour une issue heureuse alors j’aurai gagné. »

Le combat est multiforme, démultiplié, il faut lutter contre le temps qui ne passe pas assez vite, contre les insomnies, contre la facilité médicamenteuse qui pourrait générer la dépendance et le ramollissement cérébral.

« Le temps passe et son obsession
Qui n’arrange rien à l’affaire
Lui font craindre la prostration
Qu’entraîneraient les somnifères. »

Le combat, c’est d’abord le regard des autres,
« J’évitais d’inspirer une tendre pitié
De paraître écartée de projets trop hautains, »

Où la pitié prend la place de l’amour, du désir, de l’admiration, de tout ce qui peut flatter et réjouir quand on se sent aimer. Quand on ne considère plus alors vos besoins et vos désirs que
« Comme si vos besoins n’étaient que des manies »

L’amour disparait du paysage du patient,

« Mutilée de l’amour j’ai nié ses secrets
Qui apportent la paix à un cœur désarmé. »

Seule la mouche dépose son baiser sur ses lèvres.

« Qu’elle reste après tout la seule désormais
A montrer une telle attirance pour vous. »

Il y a dans ces recueils, une dualité entre le « je » et le « il » entre l’auteure et le poète. Martine parle à la première personne quand elle veut faire passer des messages plus personnels sur son combat, sa volonté d’agir, son immersion dans l’écriture…

« Mes textes qui ont accosté
La rive d’où certains les voient
Donnent sa légitimité
A ma solitude sans voix. »

Le poète lui prend plus de recul, il analyse, propose, constate, déduit, généralise, …
« L’esprit doit partir en vadrouille
Chercher d’autres pensées ailleurs
Pour ne jamais laisser la rouille
S’infiltrer dans son intérieur. »

Martine a rencontré le poète et ils ont marié talent et sensibilité, volonté et détermination pour parcourir ce chemin tellement ardu sans jamais perdre dignité, conservant précieusement le sens de l’ironie et de l’autodérision pour ne pas perdre le rire qui est le moteur de l’espoir, l’expression de l’envie de vivre pour vivre et non pas pour survivre.

« Si rire vaut un bifteck
Quand on n’aime pas la viande,
Pour moi c’est un vrai bonheur
Que d’en demander encore. »

François Rabelais le disait déjà il y a bien longtemps : « Pour ce que le rire est le propre de l’homme… »