Quand les femmes parlent d'amour - Une anthologie de la poésie féminine
de Françoise Chandernagor

critiqué par Septularisen, le 17 juin 2018
(Luxembourg - 56 ans)


La note:  étoiles
POÉSIE D’AMOUR… AU FÉMININ!
Dans cette anthologie très personnelle, Françoise CHANDERNAGOR nous convie à la découverte de la poésie d’amour… féminine! Un panorama incomparable de l'amour, vu par les femmes poètes de langue française de tous horizons et de toute époque, vous attend donc!

On retrouvera donc les poésies des très connues et disons-le, désormais devenues des «classiques», citons entre autres: Louise LABÉ (1524-1566), Anna de NOAILLES (1876-1933), Christine de PISAN (1365-1430), Marie NÖEL (1883-1967), Catherine POZZI (1882-1934), Cécile SAUVAGE (1883-1927), ou encore Marceline DESBORDES-VALMORE (1786-1859)...

Mais, comme toujours dans ce genre d’anthologie, ce sont les poétesses tombées dans le «purgatoire des Lettres» qui sont les plus intéressantes. Citons entre autres, Renée VIVIEN (1877-1909), Catherine Des ROCHES (1550-1587), Louisa SIEFERT (1845-1877), Anne HÉBERT (1916-2000), Marguerite BURNAT-PROVINS (1872-1952), Hélène PICARD (1873-1945), ou encore Anne PERRIER (*1922)…

Il est dommage que tellement de règles différentes aient été imposées à Françoise CHANDERNAGOR, comme celle p. ex. de ne prendre que des poétesses nées avant 1939 ce qui a eu pour mauvaise conséquence de faire «disparaître» de la sélection des femmes poètes (comme p. ex. Lydie DATTAS (*1949) ici sur CL : http://www.critiqueslibres.com/i.php/vauteur/20116), qui pourtant mériteraient d'être plus connues. D’ailleurs, en passant, si c’est de la poésie francophone, je ne comprends pas trop l’excuse de Mme. CHANDERNAGOR de sélectionner la poétesse grecque Sappho et de dire qu'elle figure dans cette anthologie : "parce que «femme du VII S. avant J.-C.elle est la première poétesse connue et comme telle, la sainte patronne de toutes celles qui ont suivi"? Un peu court comme explication, non?

J’ai été par contre très agréablement surpris et heureux d’avoir retrouvé certaines «connaissances» de longue date, injustement rangées dans les poètes mineurs, alors qu’elles sont des poètes de première grandeur comme la luxembourgeoise Anise KOLTZ (*1928 Prix Goncourt de la poésie 2018), la belge Liliane WOUTERS (1930-2016 Prix Goncourt de la poésie 2000), la franco-libanaise Vénus KHOURY-GHATA (*1937 Prix Goncourt de la poésie 2011), ou encore la française Andrée CHEDID (1920-2011 Prix Goncourt de la poésie 2002)…

Rien de plus à ajouter, si ce n'est qu'il s'agit ici, sans aucun doute une anthologie à découvrir…

Je dois bien sûr avouer qu'il m'est difficile de choisir une seule poésie pour illustrer plus de neuf siècles de poésies, - exclusivement féminines, exclusivement d’amour -, mais, voici «Chanson», une poésie de celle qui est considérée comme la première des «troubadouresses » : Béatriz De DIE (1135-1189) :

Grande peine m’est advenue
Pour un chevalier que j’ai eu.
Je veux qu’en tous les temps l’on sache
Avec quel excès je l’aimais.
À présent me voilà trahie.
Car je lui refusais ma foi.
J’étais pourtant en grand’folie,
Au lit comme toute vêtue !

Combien voudrais mon chevalier
Tenir un soir en mes bras nus !
Pour lui seul – il serait comblé –
Je ferais coussin de mes hanches.
Car j’en suis plus enamourée
Que ne fut Flore de Blanchefleur,
Mon cœur lui donne, et mon amour,
Mon âme, mes yeux, et ma vie.

Bel ami, chantant et plaisant,
Si retombez en mon pouvoir,
Et qu’avec vous je couche un soir
En vous donnant baisers d’amour,
Sachez quel grand plaisir j’aurais
De vous en place de mari
Pourvu que me donniez promesse
De tout faire à mon bon vouloir.

(trad. Georges RIBEMONT-DESSAIGNES, revue par Françoise CHANDERNAGOR.)