Contes d'amour, de folie et de mort
de Horacio Quiroga

critiqué par Sido, le 31 mai 2004
(Grenoble - 69 ans)


La note:  étoiles
frissons humides
Pénétrer dans l’univers de Quiroga c’est accepter de prendre un chemin vers l’abîme de la folie, de l’amour et de la mort. Mais ce chemin est sublime. Il nous conduit aux frontières qui séparent le possible de l’impossible. Tout peut arriver mais rien n’est possible. Tout est dit sans fioriture, avec une froide lucidité, brutalement, mais magnifiquement.
Dans cet univers l’amour est toujours perdu, toujours fatal, et la mort une délivrance après des parcours désespérés.
L’élément majeur chez Quiroga est la forêt, « inextricable enchevêtrement ». La forêt odorante, suave et mortelle, qui dispense des trésors empoisonnés, comme ce miel épais et obscur au goût d’eucalyptus, ou ces fourmis brillantes qui se déplacent en larges colonnes pour donner la mort. Cette forêt amazonienne, qui fascine et appelle, Quiroga l’a bien connue puisqu’il s’y retira pour vivre en reclus avant de se donner la mort en 1937. La forêt, où se heurtent deux civilisations, celles des Indiens Guaranis et celle des compagnies d’exploitation étrangères qui réduisent les hommes à la condition d’esclaves. Pour échapper à la servitude ils s’y perdront.
J’ai consommé ces nouvelles comme une drogue, avec l’envie, un fois lues, de me replonger encore et encore dans l’ambiance de ce paysage voluptueux et sauvagement beau, de cette gorge profonde où coule le fleuve Parana, somptueux et violent, de ce crépuscule sans limite qui demande au regard un abandon total et désespéré.
« Le ciel, au couchant, s’ouvrait maintenant comme un écran d’or, et le fleuve lui aussi s’était coloré. Depuis la côte paraguayenne, déjà plongée dans les ténèbres, la forêt laissait tomber sur le fleuve sa fraîcheur crépusculaire en pénétrants effluves de fleur d’oranger et de miel sylvestre. Un couple de perroquets passa très haut, en silence, vers le Paraguay. »
Horacio Quiroga est né à Salto en Uruguay, à la frontière de l’Argentine. Dès son enfance Horacio fut confronter à la mort de ses proches. Il resta fidèle à la forme du conte et n’écrivit que deux romans. Jorge Luis Borges manifestera son incompréhension pour l’œuvre de l’écrivain.