Rapatriés
de Néhémy Pierre-Dahomey

critiqué par Fanou03, le 15 mai 2018
(* - 48 ans)


La note:  étoiles
L’énergie du désespoir
L’énergie du désespoir : c’est peut-être cela finalement qu’exprime, avant tout,Rapatriés, le premier roman de Néhémy Pierre-Dahomey. Celle qui incarne le livre, c’est Belliqueuse Louissaint, la protagoniste principale, une mère de famille haïtienne, habitant un quartier déshérité de la banlieue de Port-aux-Prince, où se sont fixés ceux qui ont échoué dans leur tentative de quitter l’île pour des contrées plus accueillantes. Belliqueuse Louissaint, dont on va suivre une grande partie de sa vie de femme, s’y est essayée et l’a payé au prix fort, en perdant un enfant, événement tragique qui va marquer son âme au fer rouge.

Car les enfants d’Haïti ont-ils un avenir dans ce pays qui semblent les dévorer et n’avoir de cesse de les faire disparaître, d’une façon ou d’une autre ? C’est peut-être la question, assez terrible, que pose le roman, quand on en vient à considérer les péripéties qui vont rythmer la vie pour le moins chaotique de Belliqueuse Louissaint. Mais le tour de force de Rapatriés est d’éviter, malgré ce fond qui n’incite quand même pas, a priori, à une folle gaieté, c’est que l’auteur évite, mais sans esquiver un certain réalisme, l’ambiance glauque et pesante à laquelle on n’aurait pu s’attendre sur un tel thème.

Il faut dire que les personnages secondaires, souvent hauts en couleur, pleins d’humanité, gouailleurs et ne mâchant pas leurs mots, transmettent une singulière et bienvenue énergie au récit. Ainsi, malgré les malheurs et la dureté de la vie, on retient surtout la solidarité et l’énergie qui anime les familles et les amis gravitant autour de Belliqueuse. La prose de Néhémy Pierre-Dahomey, pleine d’une poésie simple et sans artifice, coule quant à elle sur un rythme apaisé, donnant presque une douceur paradoxale au récit.