Les saisons de la vie
de Nadine Gordimer

critiqué par Henri Cachia, le 30 mai 2018
(LILLE - 62 ans)


La note:  étoiles
Antiapartheid... Et bien plus encore...
Nadine Gordimer, écrivaine sud-américaine (prix Nobel de littérature en 1991)  a grandi dans l'environnement privilégié de la communauté anglophone blanche. Sensible aux inégalités raciales et aux problèmes sociopolitiques de son pays, elle a choisi de s'engager contre l 'apartheid par l'écriture, et ses livres ont valeur de témoignage historique.

Mais avant tout, c'est une autrice qui fouille et questionne tout au long de ses nouvelles les contradictions des êtres humains quels qu'ils soient, quelles que soient leurs origines culturelles, politiques, sociales, religieuses ; noirs, blancs, jaunes, rouges, grands, petits, maigres, obèses, hétérosexuels, homosexuels, bis, trans, etc...etc...
Elle nous fait entrer graduellement dans l'atmosphère du lieu et de son environnement et, sans faire de psychologie, nous donne à voir ses personnages plutôt dans leurs actions, dans leurs façons de vivre.

Extrait de la nouvelle « L'empreinte du pied de Vendredi » :
... « Un homme servait à boire avec des gestes légers et vifs qui donnaient à tout ce qu'il faisait l'allure d'un tour de prestidigitation. Est-ce vraiment le mari de Mme Cunningham, demandaient les nouveaux venus, quand ils avaient fait connaissance avec les trois locataires permanents, des fonctionnaires – le vétérinaire, le météorologiste et le postier. L'homme derrière le bar, qui parlait du bord ourlé de sa lèvre supérieure, était petit et mince et paraissait des années plus jeune qu'elle, bien qu'en réalité ce ne fût pas le cas – il avait trente-neuf ans et seulement un an de moins qu'elle.
Dehors, et à la lumière du jour, sa minceur s'apparentait à la maigreur d'une viande fumée, et son visage gamin de jeune premier, avec sa tête de satyre à la chevelure bouclée foisonnante, ses yeux noirs froncés et sa bouche proéminente, ressemblait à celui d'un singe ridé, sur ses gardes, toujours vieux.
Un des locataires permanents, en le regardant sous la lumière du bar, tout en buvant son verre, expliquait volontiers : « Son second mari, bien sûr, Arthur Cunningham est mort. Mais celui-là est plus ou moins parent de son premier mari, c'est un Cunningham lui aussi. »... »...

Quelques citations de Nadine Gordimer :

« Si un écrivain est honnête, s'il écrit sur son pays et que son pays est en plein drame, il devient malgré lui un écrivain politique. Si j'habitais en Pologne ou au Chili, ce serait sans doute pour moi la même chose. »

« J'ai été passionnément engagée dans la lutte antiapartheid, mais je défie quiconque de trouver de la propagande dans un de mes livres ».

« Le racisme pourrait être le péché originel, la tache qui marque tout être humain, de quelque race qu'il soit, il faut savoir qu'il est là, en chacun de nous, comme le virus de la peste ».


Cette grande dame de la littérature nous a quitté en 2014, et sa grande production littéraire n'est composée que de recueils de nouvelles. C'est tellement rare, qu'il est important de le souligner.

A lire, et/ou à découvrir !!!