Les Peaux rouges
de Emmanuel Brault

critiqué par Fanou03, le 2 mai 2018
(* - 48 ans)


La note:  étoiles
Un drôle d'Indien qui n'aime pas les Peaux-Rouges
Il faut quand même reconnaître à Emmanuel Brault une certaine dose de témérité et d’ambition littéraire, surtout pour un premier roman, pour traiter aussi frontalement (et presque effrontément), par la "bouffonnerie" comme il le dit lui-même, un sujet pouvant susciter autant de crispation que celui du racisme et des racistes.

Car le narrateur des Peaux Rouges est raciste et le proclame haut et fort. Amédée Gourd (c’est son nom), clame sa position dans une société à la fois contemporaine et dystopique, puisqu’elle enjoint les citoyens, contre leur gré s’il le faut, à accepter la différence et à aimer l’étranger. C’est ce qui arrive à Amédée Gourd, cariste performant mais sans culture. Insultant un jour une "peau-rouge" dans la rue, il est condamné, envoyé en prison puis se voit offrir par la justice une seconde chance dans un établissement de rééducation pour raciste

Ma première réaction a été plutôt de me dire que Emmanuel Brault nous dépeignait là un modèle bien caricatural de raciste, bête mais pas méchant, presque sympathique par la magie de la narration à la première personne, une propension assez saine à livrer ses états d’âme et sa gentillesse envers sa grand-mère sénile dont il s’occupe avec tendresse. De plus le contexte social du roman peut apparaître pauvre ou simplificateur: Amédée Gourd apparaît ainsi très isolé. Dans cette société parallèle à la nôtre en effet, ni les réseaux sociaux de l’internet, ni les mouvements politiques d’extrême-droite ne semblent exister, ne permettant pas à Amédée Gourd de trouver une solidarité idéologique autre part que dans son ressenti viscéral, mais inexplicable.

Je me demande donc si c’est bien du racisme finalement que traite Les Peaux Rouges. Ne serait-ce pas plutôt de cette société dans laquelle évolue Amédée Gourd, une société discrètement totalitaire, chantre du politiquement correct, dont veut nous parler Emmanuel Brault ? Il le fait, il faut le dire, avec beaucoup d’humour, s’amusant des propres contradictions de ce système, pétri de bonnes intentions, mais qui a tendance à étouffer, par l’idéologie dominante, les débats contradictoires qui pourraient menacer son équilibre. Sur cette thématique, également délicate, qui dépasse même la problématique du racisme proprement dit, l'auteur, dans un propos beaucoup plus ambigu - et par là bien plus riche qu’il n’y paraît au premier abord, fait de ses Peaux Rouges un récit qui donne une belle matière à penser.