Short Cuts
de Robert Altman, Raymond Carver

critiqué par ALF, le 27 mai 2004
(Ondres (40) - 43 ans)


La note:  étoiles
L’authenticité, rien que l’authenticité, toujours l’authenticité !
Pour une fois le cinéma fait bien les choses ! Ce recueil n’aurait effectivement jamais vu le jour si le producteur Robert Altman n’avait pas décidé de rassembler neuf nouvelles et un poème d’un des plus grands romanciers (et poètes) nord-américains de ces cinquante dernières années. Trop vite comparé à ses compatriotes Miller et Bukowski, Raymond Carver dispose pourtant d’une écriture très personnelle et d’un regard sur la société bien particulier. Alors oui, cet auteur originaire de l’Oregon s’est longtemps attaché à dépeindre une réalité noire, parfois même répugnante, mais il est parvenu en quelques années à peine à imposer un style désormais reconnu par tous sous l’appellation de «dirty realism». Une plume à première vue assez simple, qui pour certains se rapproche de celle d’Hemingway dans la recherche du mot juste et du vocabulaire épuré, même si la comparaison s’arrête là tant la finesse de Carver fait merveille sur un fond urbain parfaitement maîtrisé. La crudité permanente et l’exposition des vices de notre société sert avant tout à dresser des portraits psychologiques particulièrement justes et réalistes, ainsi que des histoires terriblement banales et pourtant fascinantes aussi bien dans leur apparente incohérence que dans leur étude implacable du quotidien. Sans rentrer avec plus de précision dans chacun des morceaux de vie ici proposés, les personnages dans leur ensemble mènent une existence de routine, n’ont pas la situation professionnelle qu’ils auraient souhaité et éprouvent des difficultés à communiquer dans leur couple (voir «Will You Please Be Quiet Please ?»), mais presque tous, à un moment ou à un autre, vont se rendre compte de leur condition et des conséquences des choix qu’ils ont eu à effectuer plus tôt (comme dans « So Much Water So Close To Home» par exemple). Bref, voilà donc une sélection plutôt judicieuse et couvrant plus de dix ans de la carrière d’un artiste relativement peu connu ; n’en déplaise à certains, la littérature américaine n’a pas fini de nous surprendre…