Bissextile
de Éric Russon

critiqué par Nathavh, le 24 avril 2018
( - 59 ans)


La note:  étoiles
Bissextile
Sarah Vasseur est gynécologue, elle travaille dans la plus grande maternité d'une ville insituée, que l'on imagine être une capitale. Nous sommes dans un autre temps, dans un futur pas si lointain. Sarah est mariée à Nicolas, un architecte en vue avec qui elle a eu Jérôme, leur fils.

Lors de l'inauguration du Palais des Beaux Arts, rénové par son mari, elle admire un tableau dans une salle obscure, une toile d'une autre époque, d'avant la loi, représentant une famille. Un homme étrange au chapeau de cow-boy l'aborde et lui parle de cette époque révolue, rêve ou réalité ? L'homme s'est évaporé la laissant dans ses pensées.

Depuis plus de vingt ans, Sarah a coupé les ponts avec sa mère, Lucie Beaumont, violoncelliste mondialement connue qui a subitement mis fin à sa carrière à la naissance de Sarah. Lucie se meurt et lui demande de la revoir une dernière fois. Elle envoie Elise pour cette mission. Elise qui semble vraiment fort dévouée.

Sarah hésite à revoir sa mère, marquée dans son enfance par l'absence complète d'amour maternel.

Coïncidence, Lucie reçoit des courriers, plus précisément des photos d'elle petite, c'est ce qui va l'inciter à renouer avec son passé.

Le décor est planté. C'est une dystopie que nous propose Eric Russon, un thriller familial palpitant, rudement bien mené.

On ne sait pas très bien où on est, quand on est ? La société a changé, évolué..

Il y a une loi votée il y a quarante ans, une loi temporaire, prévue au départ pour vingt ans, renouvelable tous les dix ans, elle régit la société. Sera-t-elle amendée ?

La mobilisation n'est pas très grande. Le peuple est surveillé. Le plus inquiétant : les déviants , ils sont arrêtés de façon violente, pourquoi ?

Il y a aussi une maison en bord de mer digne d'un tableau de Hopper ou d'un film de Hitchcock, elle est magnifique, inquiétante. L'ambiance y est oppressante, un sentiment d'être épié y règne. Quels sont ces secrets enfouis ?

Un texte passionnant, captivant qui pose question sur les liens entre les êtres, la soumission, la désobéissance. Une très jolie plume, de courts chapitres remontant le temps comme un compte à rebours. Un texte puissant, marquant.

J'ai vraiment adoré, je vous le conseille vivement. Les pages tournent toutes seules. Un texte qui s'interroge sur certains problèmes de notre société. Intelligent et super bien mené.

Un gros coup de coeur.


Les jolies phrases

Madame , c'était l'équilibre. La permanence. La clé de voûte de tout un édifice dont Élise fait partie.
Sa vie ressemble à une vieille armoire, avec une foule de tiroirs où chaque objet a sa place, bien séparé des autres. Et il y a fort à craindre qu'à sa mort, tous les tiroirs soient jetés à terre et leur contenu répandu, mélangé. Les compartiments qu'elle a passé une vie entière à garder fermés risquent de se retrouver sens dessus dessous.

C'est à cela qu'il occupe le temps qui lui reste, s'accrocher à tous ces vestiges d'un monde que le temps engloutit, comme un naufragé à un bout de bois.

Comment a-t-elle pu exprimer des émotions aussi intenses et se montrer aussi inapte à aimer sa fille?

Autant l'une était minérale et glaciale, autant l'image que Sarah garde de Jacques est celle d'un homme solaire.

Sa vie était consacrée à ces femmes qui un jour deviennent mères. Il y avait certes dans ce choix l'expression d'une vocation mais aussi la volonté de percer un mystère. Ce qu'elle voulait, c'était saisir cette étrange envie de se prolonger dans un autre corps, une autre existence. Qu'elle en soit consciente ou non, par l'observation quotidienne du désir et de la joie d'enfanter, c'est l'indifférence de sa mère à son propre égard qu'elle souhaitait comprendre.

Aujourd'hui, le digital a tout bousillé. Rien à voir avec ces merveilles argentiques. Les photos saturent des mémoires virtuelles, perdues dans les nuages, que plus personne ne regarde. On lègue des maisons, des propriétés, des voitures, des comptes en banque mais comment transmet-on vraiment un récit familial ? Et quand on n'a reçu aucun passé en héritage, le futur ne perd-il pas toute consistance ?

On ne refait pas sa vie, pas plus qu'on ne le recommence. Repartir de zéro est une illusion, un leurre. On aura beau cacher son passé dans une consigne dont on perdrait la clé, il se trouverait toujours quelqu'un de bien intentionné pour vous le rapporter.
Une bonne année 8 étoiles

J’ai toujours apprécié Eric Russon comme journaliste et animateur radio-télé sur la RTBF (belge). J’ai eu envie d’aller plus loin et je me suis procuré ce roman daté de 2018. Bien m’en a pris car l’ouvrage est plaisant à lire, bien écrit et original. Russon y raconte l’histoire de Sarah -la quarantaine- dont la vie bascule après le décès de sa mère avec laquelle elle avait coupé les ponts après des relations plus que difficiles dès l’enfance et l’adolescence. A cause de certaines circonstances, elle est obligée de revenir vers ce passé notamment via l’héritage de la magnifique maison en bordure de mer que sa génitrice lui a léguée sous certaines conditions notariales.

Le roman ne se résume pas à ces faits bruts car il baigne dans une ambiance qu’on pourrait apparenter à de la SF avec un paysage qui ressemble assez à notre époque tout en extrapolant sur certaines pratiques …que je ne vais pas dévoiler ici.

Et, je le répète, l’écriture est vive, le roman bien structuré, passionnant, agréable à lire alors qu’une de ses particularités (et originalité) est de laisser apparaître certains éléments de l’histoire (le lecteur « devine » ce qui va se passer) tout en se ménageant de nouvelles portes de sortie et des rebondissements qui étaient déjà sous-jacents. Si je me fais mal comprendre, lisez ce roman car il est bien fait.

Ardeo - Flémalle - 76 ans - 28 décembre 2022


à découvrir 10 étoiles

Bonjour les lecteurs ….
ATTENTION…. belle surprise !
Moi qui ne suis pas franchement fan des dystopies, eh bien je referme ce bouquin en étant agréablement surprise !
Sarah vit dans une ville futuriste, mais pas tant que cela.
Fille d'une violoniste célèbre, elle a rompu tout contact avec cette mère totalement dénuée d'amour maternel.
Mais Madame se meurt, Sarah se voit obligée de renouer avec ce passé trop longtemps enfui.
La voici face à ses fantômes, à essayer de comprendre cette mère qui a tout abandonné pour venir se réfugier dans une superbe villa en bord de mer.
Les découvertes ne cesseront de surprendre la jeune femme. Les bases sur lesquelles elle a construit sa vie et sa foi en SA société vacillent dangereusement.
Mais qui était vraiment Madame ?
Récit palpitant, page turner, bref, ce que vous voulez.
Un soupçon d'anticipation , pas trop.. juste pour me plaire.
Des situations " futuristes " mais qui sont à notre porte;
Des lois … surtout LA loi… dérangeantes mais en sommes-nous si loin ?
Et surtout la question .. " qu'aurais-je fait à la place de Madame ?"
Ce roman m'a happée. Super bien ficelé.
Un coup de cœur pour cet auteur belge

Faby de Caparica - - 62 ans - 27 janvier 2019