Une enfance américaine de Annie Dillard

Une enfance américaine de Annie Dillard
(An American childhood)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone , Littérature => Biographies, chroniques et correspondances

Critiqué par Poet75, le 17 avril 2018 (Paris, Inscrit le 13 janvier 2006, 67 ans)
La note : 9 étoiles
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Les années de formation

S’il est, parmi les productions littéraires venues des États-Unis, une œuvre à découvrir davantage que toutes les autres, c’est celle d’Annie Dillard dont j’ai déjà eu l’occasion de vanter les mérites en commentant le roman intitulé « L’amour des Maytree ». Dans « Une enfance américaine », l’auteure raconte sa propre histoire à Pittsburgh, ville qui l’a vue naître en 1945 et où elle a passé son enfance et son adolescence. Or, cette ville, elle la dépeint avec tout le talent et toute la précision dont elle est capable, nous partageant de manière enthousiaste toutes ses impressions, tous ses souvenirs.
Car ce qui caractérise le mieux l’auteure de ce récit, c’est son insatiable curiosité. Dès son enfance et de plus en plus au fil du temps, Annie Dillard se passionne non seulement pour son environnement mais pour le monde. Certes elle ne se distingue pas totalement des autres enfants ou adolescents, elle a des ami(e)s, s’amuse, aime danser, explore les coins et recoins de la ville, etc. Mais ce qui se révèle très tôt chez elle et ne cesse de grandir, c’est l’appétit d’apprendre et d’apprendre dans tous les domaines, sans aucune limite. Tout la passionne, comme elle l’explique à la page 223 : « Tout m’attirait ; le monde visible m’expédiait, pleine de curiosité, vers les livres ; et les livres me renvoyaient, prise de vertige, vers le monde. » Pour elle, comme l’indique ce passage, il n’y a pas d’antinomie entre ce dont traitent les livres (y compris les livres de fiction ou la poésie) et les réalités du monde.
« J’aimais, j’adorais le monde entier. J’avais envie de connaître tous les continents (…) et tous les gens que je croisais… », écrit-elle à la page 267. Passionnée, transportée par tout ce qu’elle découvre, Annie Dillard transmet ses engouements au lecteur. Ainsi, qu’elle s’adonne à l’étude des minéraux, à celle des insectes ou (après que ses parents lui aient offert un microscope) à celle des êtres unicellulaires, elle décrit chacune de ses passions avec une ferveur qui se communique irrésistiblement. Et lorsque son père l’emmène, pour son bonheur, voyager en bateau sur le fleuve Ohio, c’est l’occasion, entre autres, d’apprendre comment fonctionnent les écluses ; les questions fusent sans arrêt.
Rien n’échappe à l’insatiable appétit de savoir de l’auteure, non seulement les objets de la nature, non seulement les plantes et les animaux, non seulement les réalisations humaines, mais les personnes elles-mêmes. Ainsi, des pages de l’ouvrage rappellent avec effarement et indignation les conditions de vie indignes des ouvriers des aciéries au début du XXème siècle et nous informent qu’ « en 1900, Pittsburgh avait le taux de mortalité le plus élevé des États-Unis » (page 291). Et, bien sûr, la jeune Annie Dillard explore avec ravissement les territoires de la littérature, se préparant à sa propre vocation, se délectant, entre autres, de la lecture de poètes français comme Gérard de Nerval et, surtout, Arthur Rimbaud.
Enfin, de manière transversale tout au long de l’ouvrage, nous est rappelée la place tenue par la religion dans cette société du Pittsburgh des années 1950 et 1960. Les parents de la petite Annie étant épiscopaliens, on apprend à la fillette à se méfier des catholiques coupables de superstitions. Toutefois, ni le père ni la mère n’étant très vigilants, l’enfant se retrouve quand même en contact avec des catholiques et connaît une période de vraie ferveur. La curiosité qui la pousse à vouloir tout appréhender lui fait aussi s’intéresser à la foi chrétienne. Comme elle l’explique à la page 272, c’est en colonie de vacances que la foi lui est venue au point qu’elle se met à prier « chaque nuit en demandant à Dieu de [lui] donner un cœur généreux. » Mais, à l’adolescence, son regard se transforme : elle se rebelle contre « l’hypocrisie de [ses] parents qui [la] forçaient à aller au culte, mais n’y allaient pas eux-mêmes » et contre l’hypocrisie de tous ceux qui s’y rendaient davantage pour des relations d’affaires que pour louer Dieu (page 275). Du coup, il n’est pas surprenant d’apprendre, à la fin du livre, la prise de décision de l’adolescente de quitter l’église.
Quoi qu’il en soit, ce livre reste un témoignage de premier ordre sur les années d’apprentissage d’une femme de lettres de grand talent et sur la société américaine (en l’occurrence de Pittsburgh) de ces années-là.

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