Adam & Ève de Stephen Greenblatt

Adam & Ève de Stephen Greenblatt
(The rise and fall of Adam and Eve)

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Histoire , Sciences humaines et exactes => Spiritualités , Littérature => Anglophone

Critiqué par Colen8, le 17 avril 2018 (Inscrite le 9 décembre 2014, 82 ans)
La note : 9 étoiles
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Herméneutique du texte fondateur

Fiction pure, conte mythologique ou allégorique, histoire à prendre au pied de la lettre, nul n’en sait l’origine. Ce récit immémorial occupe à peine cinquante lignes de la Genèse : création d’Adam et Eve dans le Jardin d’Eden, transgression de l’interdit sur l’arbre de la connaissance du Bien et du Mal, exclusion du Paradis. Cela a suffi à convaincre les croyants monothéistes bien avant la composition même de la Bible et à exercer une fascination qui n’a jamais cessé au fil des siècles. L’épopée de Gilgamesh antérieure de milliers d’années, déchiffrée sur des tablettes d’argile de l’ancienne Mésopotamie vers -2100 en donne une version étrangement similaire quoique de finalité différente, qui aurait pu influencer les Hébreux pendant leur esclavage babylonien sous la coupe du roi Nabuchodonosor. Délivrés par Cyrus le Grand de Perse, déterminés à conserver leurs valeurs culturelles une fois revenus en Israël ils auraient décidé de rassembler divers textes parmi lesquels les tables de la loi dictées par Moïse vers -1200 et de forger leur propre Grand Récit, celui que la Bible nous a transmis, que le christianisme a conservé.
Depuis l’Antiquité jamais n’ont cessé les interrogations ni les controverses sur le sens à donner à cette histoire. Autant le philosophe juif Philon d’Alexandrie n’y voit qu’allégorie, autant le théologien chrétien Origène en fait une analyse symbolique du genre humain. Longtemps sceptique et adepte du manichéisme, Saint Augustin après sa conversion y apporte une contribution majeure qui assoit le couple édénique dans la pure réalité historique. C’est le « De la Genèse au sens littéral » laissé inachevé auquel il aura consacré de longues années qui décide une fois pour toutes l’Eglise à adopter à la lettre la création divine du Monde et de ses habitants. Le questionnement résultant des avancées astronomiques, artistiques et géographiques de la Renaissance parviennent à ébranler le bel édifice, sans jamais le démolir complètement même de nos jours.
En 1655 parait en latin le livre sur les pré-adamiques du français La Peyrère qui place Adam comme ancêtre unique des juifs à côté d’autres peuples lui préexistant, ce qui n’empêche nullement l’anglais John Milton de publier en 1667 « Le Paradis Perdu(1) », longue épopée relatant la vie conjugale d’Adam et Eve en quelques 10 000 vers, lui qui se voit dans la chrétienté l’équivalent de ce que furent Homère pour Athènes et Virgile pour Rome. Voltaire dans son « Dictionnaire philosophique (1764) », Darwin avec « L’origine des espèces (1859) » puis « La Filiation de l’homme (1871) », l’américain Mark Twain et son « Journal d’Adam (1892) » mettront fin à l’ambiguïté historique sur l’origine humaine mais n’entameront pas une croyance toujours vivace dans ce mystère sous-jacent que la science n’a pas encore complètement élucidé.
Comme le montre si intelligemment la sélection faite par Stephen Greenblatt, toutes les interprétations théologiques, toutes les réflexions philosophiques exprimées depuis la nuit des temps ont donné lieu à un vaste corpus bibliographique et à une riche iconographie venant de fresques, bas-reliefs, vitraux, tableaux, gravures, sculptures partiellement reproduites en hors-texte couleurs.
(1) https://fr.wikisource.org/wiki/Le_Paradis_perdu, dans une traduction de Châteaubriant

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