Manikanetish
de Naomi Fontaine

critiqué par Libris québécis, le 7 avril 2018
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
L'École innue d'Uashat
La Petite Marguerite (Manikanetish) est le nom de l’école secondaire d’Uashat, une réserve innue de la Côte-Nord. La protagoniste Yammie fait partie du personnel enseignant. Innue comme ses élèves, elle revient dans son village natal après un long séjour à Québec. La distance et le temps ont creusé un large fossé entre elle et les siens. Elle est devenue une étrangère dans son propre patelin. Seule sa peau foncée indique son appartenance à la tribu. Sa réadaptation à sa communauté originelle présente donc un défi de taille.

La difficulté sera d’autant plus grande qu’elle a laissé son fiancé pour accepter cette tâche d’enseignante. L’ennui et le rétablissement des liens composent un obstacle majeur. Comme elle est encore jeune, Yammie prend son courage à deux mains pour triompher de ses embûches personnelles et, encore plus, pour mener ses élèves à l’obtention du diplôme de la fin de leurs études secondaires.

Son groupe est identifié à tous les dangers que les Innus affrontent au quotidien. Les filles deviennent mères alors qu’elles fréquentent encore l’école, d’autres se suicident pour échapper à leur misère morale, d’autres sont victimes de l’alcoolisme de leur entourage et les garçons n’ont pas d’ambitions sachant que leur avenir comme Innu est fermé à toute tentative de réussite sociale. Rien ne valorise ces jeunes, victimes des préjugés des blancs. Ce sont d’ignobles fainéants alcooliques, dit-on d’eux.

Dans ce contexte, est-il possible de les motiver d’autant plus que tous et toutes ont perdu leur fierté à force d’être considérés comme des citoyens de seconde zone. Yammie aura-t-elle la force de ramer à contre courant ? C’est le directeur de l’école qui lui fournit l’aviron de la victoire. Il lui confie la lourde tâche d’enseigner le cours de théâtre, qui doit se matérialiser par la production d’une pièce à la fin de l’année scolaire. Pour que ses élèves puissent courir, voire voler pour se venger des affronts, Le Cid de Corneille lui est apparu comme l’oeuvre toute désignée. C’est à mille lieues de la culture innue, mais transposer le sujet de l’Espagne à Uashat, il n’y a qu’un petit pas, semble-t-il. Et ce qui est imaginé est exécuté avec succès, même si un élève doit tenir le décor, qui s’est délesté de ses ancrages.

On assiste à toute l’année scolaire d’une enseignante qui renoue avec ses racines et qui réussit l’exploit de reculer les frontières du désespoir. Par l’écoute, elle parvient à toucher le cœur de tout un chacun. Cet objectif atteint, il est plus facile de pointer la voie qui mène à la dignité. En fait, Yammie cherchait à démontrer à ses élèves qu’ils étaient aussi aptes que les autres.

L’auteure qui est une Innue d’Uashat a écrit un roman essentiel pour les siens, mais qui n’effleure le sujet qu’avec naïveté. Avec ses 136 pages, c’est un survol rapide au-dessus d’un nid d’Innus. Il aurait fallu se poser pour mieux emmêler les brindilles qui composent le fond de la culture de ces autochtones de la Côte-Nord.