L'Archipel du Chien
de Philippe Claudel

critiqué par Tanneguy, le 4 avril 2018
(Paris - 84 ans)


La note:  étoiles
Un conte moral, effrayant !
L'archipel du chien est un ensemble d'îles, à l'écart du monde où les habitants restent imperméables au tumulte que l'on connaît dans le monde "civilisé" : un reste de religion, et surtout quelques fêtes marquantes comme la pêche (chasse ?) au thon annuelle magnifiquement décrite dans le roman. Rien ne se passe jusqu'au jour où l'on découvre, échoués sur une plage, trois cadavres de jeunes noirs noyés. Sont témoins le Maire, le Docteur, la Vieille (ancienne institutrice à la retraite), et deux pêcheurs ; ils seront rejoints par le vieux Curé et le jeune instituteur qui n'a guère été accepté par la société locale, assez fruste...

Comment vont-ils réagir ? C'est le sujet de ce court roman que j'ai dévoré en un jour et sans ennui. C'est à la fois un sujet d'actualité et l'évocation nostalgique des temps plus anciens. Le récit est ponctué par les grognements du volcan qui a façonné l'archipel et le menace encore. On a droit à quelques leçons de morale mais habiles et raisonnées. Les personnages sont hauts en couleur et remarquablement décrits dans un style clair et élégant...

Que demander de plus ?
Littérature creuse 2 étoiles

Dès les premières lignes je n'ai pas aimé ce livre. La dénomination des personnages (la Vieille, le Maire, le Docteur, etc.) créant des archétypes dépourvus de chair amorce une continuelle logorrhée plus ou moins moralisatrice. L'auteur se sert de deux questions majeures actuelles: la migration de populations et la pédophilie. Il mêle l'autre à l'une pour mettre en lumière l'égocentrisme d'une petite population renfermée sur elle-même. Aucun des trois sujets n'est véritablement traité et je n'ai rien appris sur eux, la qualité des phrases et du style ne faisant que renforcer ma frustration. Le talentueux auteur ne montre aucune empathie pour ces questions, traitées comme des motifs d'expression littéraire. Il écrit avec ses méninges et sa plume, pas avec ses tripes. Cet exercice littéraire vain m'a désenchanté.

Falgo - Lentilly - 84 ans - 2 décembre 2018


Huis-clos sombre et très humain 8 étoiles

Sur une petite île perdue, surmontée d'un volcan, trois cadavres noirs sont retrouvés sur la plage. Le Maire, le Docteur, le Curé, la Vieille (l'institutrice retraitée), l'Instituteur, le Spadon (un pêcheur) et Amérique (un homme à tout faire) sont les seuls au courant de l'incident et le Maire intime aux autres le silence afin de ne pas contrarier son projet de thermes qui doivent être construits sur l'île. Seul l'Instituteur - le seul "étranger" de l'île - rechigne.
L'auteur crée un huis-clos plutôt sombre où il fait ressortir la part obscure des hommes et leur égocentrisme. Dans ce petit monde où tous se connaissent et où tout se sait très vite, tout tourne autour de petits intérêts personnels et de jeux d'influence, dans un immobilisme hostile aux changements et à l'extérieur. La vie humaine pèse bien peu de chose dans la balance. D'ailleurs aucun personnage n'a de nom; seule leur fonction les définit. Et chacun gardera ses œillères pour vivre confortablement… jusqu'au délitement final.

Pascale Ew. - - 56 ans - 19 octobre 2018


Un roman à valeur universelle 10 étoiles

Trois migrants morts sont découverts sur la plage d'une île volcanique.
Que faire de leurs cadavres?
Les principaux responsables de la cité prennent une décision qui sera lourde de conséquences pour le devenir de l'île dominée par un volcan qui tel un dieu vengeur fait peser la menace de son éruption.
Seul l'Instituteur s'oppose à la solution adoptée. La conscience d'un seul risque de ruiner la prospérité de tous, attachés à un projet de thermes marins assurant la prospérité.
Tout s'enchaîne alors en une succession de péripéties et de coups de théâtre jusqu'au drame final qui mêle hommes et forces de la nature.

L'écriture épurée de l'auteur est comme un acide corrosif au service d'un regard désabusé. Elle donne force et puissance à ce beau roman à valeur universelle qui, usant de métaphores dépréciatives, révèle la part d'animalité dans l'homme et qui, en analysant le fonctionnement d'une petite communauté, porte sur les rôles et les responsabilités au sein d'une cité.
Il donne aussi à entendre la voix collective, celle de la foule aveugle et cruelle.

Le message politique qui s'en dégage est sans illusions. Une voix l'annonce en introduction, elle le rappelle dans l'épilogue.

Alma - - - ans - 7 août 2018