Bateau de papier
de Olav Håkonson Hauge, Sandrine Cnudde (Dessin)

critiqué par Septularisen, le 4 mars 2018
(Luxembourg - 56 ans)


La note:  étoiles
"Et le voilà content, content comme une bouteille de cidre quand le printemps y fait monter une petite bulle de gaz et que le bouchon va sauter"
La nouvelle nappe

Jaune, la nouvelle nappe.
Et blanches, les pages neuves!
Sûr que les mots vont venir:
une si belle nappe,
un si beau papier!
La glace a recouvert le fjord,
les oiseaux viennent s'y poser.

Pratiquement inconnu chez nous Olav Håkonson HAUGE (1908-1994) est pourtant une gloire nationale dans son pays et est considéré comme le plus grand poète norvégien du XXe siècle. Surnommé "le jardinier d'Ulvik" (du nom du petit village au bord d'un fjord où il passera toute sa vie), il partage son temps entre l'écriture de ses poèmes et… son verger de pommiers !

Larme, non, ne tombe pas

Presque rien pour toi,
tant de bien pour moi:
un sourire doux,
ta main – ce fut tout.
Larme,
non, ne tombe pas,
tu es de sel, je le sais.

Autodidacte sédentaire, il apprend seul le français, l'allemand, l'anglais, pour lire et traduire en norvégien les livres de Ezra POUND, William Butler YEATS, Walt WHITMAN, Emily DICKINSON, Arthur RIMBAUD, Stéphane MALLARMÉ, Charles BAUDELAIRE, René CHAR, Georg TRAKL, Bertolt BRECHT, Paul CELAN...
Vie de paradoxes et de contradictions en effet puisque son œuvre unique prendra place entre les nombreuses crises de schizophrénie (il sera d’ailleurs interné a de nombreuses reprises…), qui vont affecter 30 années de sa vie.

Nous ne voguons pas sur la même mer

Nous ne voguons pas sur la même mer,
trompeuses sont les apparences.
Ferraille et grumes sur le pont,
sable et ciment dans mes soutes,
je m’enfonce, je suis lent,
je foule les vagues houleuses,
je hulule dans la brume.
Toi tu vogues sur un bateau de papier,
ta voile bleue gonflée de rêves,
si tiède le vent, délicate la vague.

Sa poésie, d'une forme classique à ses débuts, influencée, entre autres, par les poètes chinois Li Bai (ou Li Po 701-762) et Lu Ji (261-303) s'affranchit peu à peu de tous les codes, - bien que restant toujours proche de la nature, les chevaux, la neige, la mer, les arbres, les oiseaux, les plantes, les fleurs… sont les thèmes récurrents de son œuvre -, faisant de lui à la fin de sa vie, le grand rénovateur de la poésie norvégienne.

Depuis cette nuit l'herbe est verte

Depuis cette nuit l'herbe est verte.
Un oiseau s'essaie à chanter,
la brume s'élève,
le soleil paraît au-dessus des cimes blanches.
De tout temps, au matin
la joie tambourine sur son bouclier de cuivre.

N’attendez plus, partez sans attendre à la découverte du «jardinier d’Ulvik » et découvrez sa poésie unique avec cette sélection de 28 de ses brefs poèmes…

Il y a ce rêve

Il y a ce rêve que nous portons en nous
qu'une merveille adviendra,
qu'elle doit advenir -
que le temps va s'ouvrir
que les cœurs vont s'ouvrir
que la montagne va s'ouvrir
que des sources vont jaillir -
que le rêve va s'ouvrir,
qu'un beau matin nous glisserons vers le havre
portés par une vague dont nous ne savions rien.