Un lieu approprié
de Lise Bissonnette

critiqué par Libris québécis, le 28 février 2018
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
Lendemain de référendum
Avec ce roman qui met fin à un cycle sur la femme, Lise Bissonnette se penche cette fois-ci sur l’état d’esprit qui habitait certaines d’entre elles aux lendemains du référendum de 1981 sur la souveraineté du Québec. Le résultat qui provoqua l’avortement de cet objectif laissa beaucoup de femmes pantoises. Après avoir lutté pour acquérir leur propre indépendance et celle du territoire qui les avait vues naître, elles se retrouvèrent sans projets auxquels s’accrocher.

C’était le cas de Gabrielle Perron, ministre aux Affaires culturelles d’un gouvernement péquiste. Elle se retira donc de la politique active pour se réfugier à Laval. Ce fut l’occasion pour cette quadragénaire de faire le point sur sa vie. Amère que son engagement se soit soldé par un échec, cette ancienne enseignante jette un regard caustique sur la société. Pour elle, les germes de la libération sexuelle et nationale n’ont pas donné les fruits escomptés. Tout au plus, pourra-t-elle se consacrer maintenant à des activités plus ou moins signifiantes même si elles ont une portée sociale. Les femmes sont condamnées à ne s’occuper que de causes qui n’ont rien à voir avec l’éclosion d’une personnalité riche et indépendante. Fin d’un rêve qui la conduit au repliement. Elle tente de développer alors l’aspect affectif de sa vie, mais, dans un contexte d’illusions perdues, les germes de mort, eux, ne manquent pas de fleurir.

C’est une œuvre qui décrit assez bien l’atmosphère pessimiste qui a suivi l’enthousiasme suscité par la révolution tranquille des années 60. On n’a pas poussé au bout la possibilité des outils du développement du Québec. On y a même mis une fin en rejetant celui qui aurait favorisé la réalisation d’un rêve qui habitait les Québécois depuis la conquête anglaise en 1759. Lise Bissonnette est une batailleuse. On le sent dans ce roman. Mais sa trame trop mince ne nous convainc pas de la capacité du dévouement aux causes humanitaires pour combler les manques affectifs et les aspirations déçues. Il reste que c’est une œuvre riche et bien écrite, mais pas suffisamment forte pour ressusciter, comme Myriam première de Francine Noël, un lieu approprié où peuvent s’exprimer les forces vives d’une nation revisitée par les femmes.