Du bonheur, aujourd'hui
de Michel Polacco, Michel Serres

critiqué par Pucksimberg, le 25 février 2018
(Toulon - 44 ans)


La note:  étoiles
Des discussions stimulantes tout de même
Ce recueil réunit de nombreuses discussions de Michel Serres et de Michel Polacco sur France inter le dimanche. Elles ont pour point commun leur optimisme et leur relation au bonheur, car elles invitent à voir le monde différemment et à revenir à l'essentiel. Nous sommes parfois aveuglés par le monde contemporain et un certain rythme qui nous empêchent de prendre du recul avec cette société parfois annihilante. Michel Serres semble prendre le temps et nous convie à réapprendre à vivre en réintégrant certains petits bonheurs dans notre quotidien. Les discussions portent sur la nuit, la géographie, le rire, la bonté, l'arbre, le bonheur ... Chaque chronique s'appuie sur des données scientifiques, sociologiques, littéraires ou philosophiques. C'est sur le ton du dialogue argumentatif que ces réflexions sont transmises au lecteur.

Sans avoir la profondeur des dialogues de Diderot, ils ont de la vivacité et une brièveté qui permettent de ne pas s'ennuyer. Michel Polacco lance les discussions, ponctue certains dialogues de courtes remarques, mais c'est Michel Serres qui alimente la réflexion tout en jouant avec les mots et avec certaines idées considérées comme acquises. Il a un discours apaisant, rassurant et inspirant dans la lignée de cette littérature feel-good très en vogue actuellement. Les références de Michel Serres sont tout de même de meilleure qualité.

Le dialogue le plus réussi à mon sens est celui sur le bonheur. Avec simplicité, il nous rappelle que cet état de sérénité est à portée de main et sous nos yeux quotidiennement. Il évoque aussi les médias qui ne parlent que de catastrophes. Les bonnes nouvelles ne font pas vendre, ne font pas d'audimat. Il plaide pour un devoir de mémoire pour le bonheur que l'on oublie alors qu'il est bien plus présent dans nos vies que le malheur.

Pour des bons mots et de belles images, Michel Serres en vient parfois à faire des raccourcis qui m'ont paru discutables. Oui, la nuit est belle, mais on la sacrifie pour encenser le jour. Le procédé utilisé par l'auteur pour défendre l'obscurité est un peu tiré par les cheveux à mes yeux en partant des Lumières et de l'obscurantisme. Il propose une lecture mignonne, mais peu convaincante. La discussion sur les cinq sens, surtout le tactile, repose aussi sur des considérations discutables. La primauté de la vue et de l'ouïe est elle aussi contestable. Le goût est-il vraiment secondaire dans notre société quand l'on voit la quantité de restaurants et d'émissions de télévision sur le sujet ? Idem pour l'odorat ... Sur un plan argumentatif certains propos m'ont gêné. Je viens de citer ces deux exemples, il y en a d'autres. Michel Serres ne tient aucun propos choquant, mais parfois a tendance à faire rentrer certains thèmes dans certaines cases afin de servir son propos. Ce fait est logique, mais fragilise parfois la pertinence de la réflexion en y ajoutant une certaine naïveté, poétique certes, mais naïve. Il n'en demeure pas moins que ces discussions sont intéressantes et dans l'état d'esprit des la littérature feel-good.