Pas ici, pas maintenant
de Erri De Luca

critiqué par Pucksimberg, le 24 février 2018
(Toulon - 44 ans)


La note:  étoiles
Une jeunesse napolitaine
Le narrateur s'adresse à sa mère et évoque quelques souvenirs de sa jeunesse napolitaine. Ce "je" parle à ce "tu" alors qu'il a plus de soixante ans et qu'elle n'est plus. Il y a désormais une vitre entre eux deux, la mort. Le narrateur, qui pourrait être grandement inspiré de la jeunesse de l'auteur, évoque ces problèmes de bégaiement et les moqueries de ses copains de classe. Il parle aussi de ses jouets qu'il cassait, de cette mère peu démonstrative et pourtant très présente, de la disparition tragique de son père, de la perte de son épouse bien plus tard ... Le récit n'est pas chronologique et se focalise sur certains moments importants sans forcément résumer ce qui se passe entre eux.

"Pas ici, pas maintenant" est le premier roman publié par Erri de Luca où l'on retrouve déjà sa manière de conduire ses récits et son goût pour les anecdotes qu'il raconte avec une telle précision et vivacité que l'on a le sentiment d'y assister en direct. La lecture de ce roman me rappelle énormément "Le Livre de ma mère" d'Albert Cohen. Le lecteur est pris au ventre par les souvenirs du narrateur. On s'identifie bien évidemment, on prend conscience que le temps passe et que l'on pourrait avoir certains regrets. Il y a de l'humour, de l'émotion et de la mélancolie dans ce texte. Le lecteur est presque en position de voyeur en écoutant cet homme parler à une femme indispensable pour chaque être humain. En même temps il y a une portée universelle et l'on se sent rapidement concerné.

L'on est loin de Marcel Pagnol et de ses souvenirs joyeux. On en vient parfois à vouloir consoler le jeune narrateur qui raconte des épisodes peu glorieux ou humiliants. On est à la fois gênés et émus. La figure paternelle est elle aussi intéressante. Ce n'est pas une figure heureuse qui est dépeinte et lorsque le père en vient à perdre la vue certains faits racontés sont pathétiques au vrai sens du terme.
Erri de Luca ne se noie pas dans la narration d'épisodes essentiels pour faire avancer le récit, il attire plutôt notre attention sur de petits faits, qui sont pourtant riches en charge émotionnelle.

Erri de Luca, par sa simplicité et sa sincérité, émeut le lecteur et parvient à saisir l'essentiel des individus. Il y a une grande humanité dans ses textes, quelque chose d'universel qui a une résonance en chacun de nous.
Une belle nostalgie 9 étoiles

Le narrateur se remémore avec émotion et sensibilité de sa jeunesse napolitaine, auprès de ses parents qu'il a vu évoluer et avec qui il a su profiter de la vie qu'il a découverte alors, malgré la pauvreté, le caractère confiné de son existence et de son important bégaiement qui lui a joué bien des tours. Des petits riens suffisent donc à créer de beaux souvenirs et se montrer reconnaissant des beaux moments partagés, les difficultés de la vie arrivant à passer au second plan. Ce roman court m'est paru beau et fin.

Veneziano - Paris - 46 ans - 8 janvier 2019