L'évangélisation impertinente : Guide du chrétien au pays des postmodernes
de Thierry-Dominique Humbrecht

critiqué par Emilien Halard, le 17 février 2018
( - 38 ans)


La note:  étoiles
L'évangélisation selon le frère Humbrecht
Ecrit en 2012, « L’évangélisation impertinente » du frère Humbrecht, prêtre dominicain, se décompose en deux parties. Tout d’abord, l’auteur dresse l’état des lieux spirituel de la France contemporaine. Il s’intéresse ensuite aux moyens concrets d’y porter la parole du Christ.

La société et les communautés chrétiennes étant ce qu’elles sont, il reste à trouver le moyen d’annoncer l’évangile à cette société, tout en s’impliquant dans la communauté chrétienne pour mieux y vivre nous-mêmes cet évangile.

CATECHISME DE L'EGLISE CATHOLIQUE : LES CONNAISSANCES INDISPENSABLES A L'EVANGELISATION

Première remarque de bon sens : pour annoncer l’évangile, il faut déjà savoir de quoi l’on parle, et donc bien connaître le contenu de sa foi. « L’étudiant chrétien doit devenir bon élève pour conquérir le droit à la parole ». Comme le fait remarquer l’auteur, cela est une bonne nouvelle. Les Dupond-t pourraient même dire une très bonne nouvelle. En effet, « si la beauté relève de la loterie biologique, si même l’intelligence (...) ne dépend pas seulement de son exercice mais aussi d’un talent natif, la connaissance est en revanche l’objet d’une acquisition ouverte à chacun. Au point de départ, tout le monde est ignorant. »

Il faut malgré tout utiliser son intelligence pour discerner quelles sont les connaissances les plus importantes à acquérir.

L’auteur met son intelligence au service de la nôtre pour nous signaler l’importance du Catéchisme de l’Eglise catholique (CEC), un livre qui « remplacerait plusieurs bibliothèques et permettrait d’en remontrer en matière d’exposé de la foi, à nombre d’universitaires, de pasteurs et même de théologiens de métier… »

ECRIRE : UN EXERCICE FRUCTUEUX

Vient ensuite une étape supérieure dans l’acquisition de compétences utiles à l’annonce de la foi : l’écriture. « Il faut avoir écrit un livre pour être convié à parler, et même plusieurs pour espérer se donner le plaisir de s’en ficher en public ».
Réussir à écrire un livre un tant soit peu intelligent n’est pas donné à tous. Néanmoins, chacun peut déjà essayer d’écrire. Et ces tentatives d’écriture seront déjà des aides précieuses pour l’intelligence et l’annonce de la foi.

PARLER DE SA FOI ET ECOUTER

L’auteur aborde au milieu du livre le cœur de l’évangélisation : une discussion sur la foi avec un incroyant. Cette discussion peut prendre deux tournants très différents selon que l’incroyance de notre interlocuteur est fondée sur un raisonnement intellectuel ou sur des motifs affectifs et irrationnels. L’incroyance est en effet souvent due au refus de se confronter aux exigences morales de l’évangile, ou au refus orgueilleux de remettre en cause des vérités tenues pour établies. Les arguments en apparence rationnels invoqués par l’incroyant ne sont alors que des moyens artificiels d’éviter de se remettre en cause.

Dans ce cas, l’auteur déconseille de se livrer à une discussion argumentée qui ne serait qu’un jeu de dupes. Nul ne peut convaincre quelqu’un qui ne cherche pas la vérité. L’attitude préconisée par l’auteur est d’écouter son interlocuteur, puis de confesser sa foi au Christ en apportant si nécessaire (en particulier si une cause de l’incroyance semble être la révolte devant le mystère du mal) une parole de compassion au nom du Christ.

Mais, si au contraire, l’incroyant fonde son incroyance sur des raisons argumentées, alors il est de la responsabilité du croyant de prendre en compte ces arguments.

Tout d’abord, il s’agit d’écouter attentivement pour être sûr d’avoir bien compris les arguments exposés. Ensuite, il ne s’agit pas pour le croyant de prouver sa foi par la raison. Il s’agit plus simplement de montrer que les arguments invoqués contre la foi sont mal-fondés. Et comme le fait remarquer l’auteur, « la plupart du temps ce n’est pas difficile ».

Le frère Humbrecht ne s’étend pas sur la suite de la discussion. Pourtant, une fois levées les objections à la foi, il paraît bon de montrer les motifs de crédibilité de cette dernière (la confirmation par le Christ de l’annonce des prophètes, par exemple) et de témoigner du changement spirituel que l’on a personnellement expérimenté en vivant de la prière.

L'AVENIR DE L'ECOLE CATHOLIQUE

Enfin, l’auteur s’intéresse aux lieux et états de vie qui permettent l’annonce de l’évangile.

L’école catholique est ainsi présentée comme le « lieu majeur d’évangélisation ». En effet, l’école catholique est le seul lieu d’importance où l’évangélisateur peut « annoncer le Christ pour la première fois à des générations qui l’ignorent et, tout simplement, à des foules qui ne
sont pas venues pour cela ».

Mais, note l’auteur, dans un très grand nombre de cas l’école catholique s’est presque totalement sécularisée. Il en résulte une situation catastrophique dans laquelle des générations d’élèves rejettent la foi chrétienne en croyant la connaître alors même qu’ils en ignorent jusqu’aux prémisses…

De fait, l’Eglise ne dispose pas de suffisamment d’évangélisateurs pour animer la totalité de ses établissements scolaires. Par conséquent, la meilleure solution serait sans doute de ne maintenir que des établissements catholiques dignes de ce nom, qui présentent un projet éducatif véritablement chrétien, quitte à diminuer massivement le nombre total d’établissements catholiques.
S’agissant des états de vie, l’auteur remarque que si un laïc chrétien exerçant un métier profane peut mener une vie toute aussi sainte que celle d’un prêtre ou religieux, en revanche, le temps que ce laïc peut passer à l’évangélisation sera infiniment plus réduit que s’il était prêtre ou religieux.

De même, le mariage du chrétien l’oblige à prendre soin en 1er lieu de sa famille, alors que le célibat du prêtre lui permet d’aimer de façon plus universelle.

CATECHISME : LE SENS DE L'ORGANICITE DES VERITES

Pour conclure son livre, le frère Humbrecht réitère sa recommandation de lire le Catéchisme de l’Eglise catholique. On y trouve, nous dit-il, « toutes les vérités à croire et les mots pour les dire ». En outre, à condition de le lire comme un ensemble, c’est-à-dire au moins par chapitre, on y puise « le sens de l’organicité des vérités ».

Souhaitons comme l’auteur que les chrétiens fassent mentir le « commentaire fielleux d’une personnalité catholique, fort écoutée [au moment de la publication du Catéchisme], qui disait à peu près : “ ce catéchisme est une catastrophe, il est l’instrument de la reprise en main vaticane, donc tous les bons catholiques vont l’acheter. Rassurez-vous, ils ne le liront pas…” ».