Un jihad de l'amour
de Mohamed El Bachiri

critiqué par Le rat des champs, le 8 février 2018
( - 73 ans)


La note:  étoiles
La tolérance et le respect avant tout.
Le 22 mars 2016, Loubna, l'épouse de Mohamed El-Bachiry, se trouvait dans la rame de métro qui a explosé lors des attentats de Bruxelles, à la station Maelbeek. Mohamed et Loubna vivaient un bonheur absolu, ils formaient un couple soudé par l'amour, duquel étaient issus trois enfants, et la mort violente et absurde de cette mère de famille, victime d'un attentat terroriste islamiste a, comme on s'en doute, brutalement plongé cette famille dans l'horreur et le malheur.
Mohamed, son époux, exprime dans ce bouleversant témoignage son immense souffrance, et nous raconte par petites touches son histoire, la rencontre avec Loubna qui a illuminé sa vie de jeune immigré de deuxième génération, à Molenbeek, cette commune de Bruxelles où il a été heureux, même si dans le monde entier son nom est synonyme d'épicentre de l'enfer.
Il revendique sa double appartenance au Maroc où sont ses origines, mais aussi à la Belgique qu'il aime, qui l'a vu naître et grandir. Très religieux, il considère l'islam comme une religion de paix et de respect d'autrui. Le Coran, nous dit-il, a deux axes, un vertical qui nous unit à Dieu et un horizontal qui règle les questions politiques, celles de la vie de tous les jours, mais il ne faut pas s'attendre à ce que ces règles, édictées dans la société du VIIe siècle soient applicables intégralement, intégristement, si je peux me permettre ce néologisme, dans la société du XXIe siècle. L'axe vertical, quant à lui, passe impérativement par l'amour et le respect des autres, qu'ils soient chrétiens, juifs, bouddhistes ou même athées, du moment que ce soient de belles personnes. Il n'oublie pas qu'enfant, il était choqué par l'idée que les musulmans iraient au paradis après leur mort, alors ses institutrices, si gentilles, en seraient exclues.
Les leçons que Mohamed donne sont universelles, elles ne s'adressent pas seulement aux musulmans pour leur montrer qu'un monde fraternel est possible, mais à l'humanité entière.
Qu'une souffrance aussi profonde puisse être à l'origine d'une telle résilience, que Mohamed puisse rester un homme debout, qui toise sans haine les assassins est absolument stupéfiant. Son message est très simple, et il le répète à ses enfants:
"On est tous frères.
-Alors, celui qui a fait ça, c'est notre frère?
-Oui, c'est aussi notre frère, mais il a choisi une mauvaise voie. C'est notre frère en humanité, même s'il a commis le pire."
"Eux sont en colère", nous dit-il, ils ont envie de vengeance. Je leur dis : "Tuer quelqu'un ou réagir violemment, c'est commettre les mêmes fautes que lui. Et c'est finalement se mettre à son niveau. Vous valez beaucoup mieux."
On a trop tendance à ne voir qu'une menace dans celui qui diffère un peu, si peu finalement de nous, alors que comme l'écrivait Saint Exupéry, "Si tu diffères de moi, mon frère, loin de me léser, tu m'enrichis."