Les Loyautés
de Delphine de Vigan

critiqué par Nathavh, le 3 février 2018
( - 59 ans)


La note:  étoiles
Les loyautés
C'est un magnifique roman choral que nous propose Delphine de Vigan. Un roman à quatre voix; deux adultes et deux enfants.

Il y a Hélène (prof) meurtrie dans son enfance qui sent que quelque chose ne tourne pas rond chez Théo. Elle s'inquiète jusqu'à l'obsession.

Il y a Cécile, la mère de Matthis qui elle aussi s'interroge sur son couple, la relation avec son mari, les souffrances de sa jeunesse; un père alcoolique.

Les enfants :

- Théo qui partage son temps en garde alternée, tantôt chez son père - qui n'est plus que l'ombre de lui-même , qui ne s'assume pas, et a atteint un niveau de déchéance et de pauvreté extrême - et sa mère aveuglée par la haine contre son père.

- Matthis son ami qui lui sera loyal.

Les loyautés, que le titre est bien choisi! Difficile pour un enfant de s'exprimer, de décrire ce qui se passe. Théo veut rester loyal envers son père et sa mère. Matthis envers son ami. Cécile envers elle-même et Hélène vis-à-vis de ses élèves.

Ce livre m'a glacé les os à certains moments de la lecture, ému aux larmes, bouleversé. On le lit la gorge nouée, la tension est croissante. Les personnages sont touchants, remplis d'humanité.

Delphine de Vigan a une plume magnifique, l'angoisse monte, elle nous communique l'empathie et développe avec beaucoup de sincérité et de vérité la psychologie des personnages. Énormément de sensibilité ressentie, d'émotions.

Ce livre secoue, remue. Il parle de la maltraitance psychologique, permet de comprendre ce qu'un enfant peut ressentir suite aux attitudes des adultes, des dégâts provoqués suite à un divorce.

C'est un gros coup de coeur.


Les jolies phrases

Je les observe par la fenêtre quand ils sont dans la cour, ils forment un seul corps, farouche, une sorte de méduse qui se rétracte d'un coup lorsqu'on l'approche, puis s'étire de nouveau une fois le danger passé.

Un jour, il aimerait perdre conscience, totalement. S'enfoncer dans le tissu épais de l'ivresse, se laisser recouvrir, ensevelir, pour quelques heures ou pour toujours, il sait que cela arrive.
Théo encaisse, corps malingre criblé de mots, mais elle ne le voit pas. Les mots l'abîment, c'est un ultrason insupportable, un effet Larsen que lui seul semble entendre, une fréquence inaudible qui déchire son cerveau.

C'est étrange, d'ailleurs, cette sensation d'apaisement lorsque enfin émerge ce que l'on refusait de voir mais que l'on savait là, enseveli pas très loin, cette sensation de soulagement quand se confirme le pire.

Il voudrait attendre ce stade où le cerveau se met en veille. Cet état d'inconscience. Que cesse enfin ce bruit aigu que lui seul entend, qui surgit la nuit et parfois au milieu du jour. Pour cela, il faut quatre grammes d'alcool dans le sang.

Je sais que les enfants protègent leurs parents et quel pacte de silence les conduit parfois jusqu'à la mort.
Aujourd'hui je sais quelque chose que d'autres ignorent. Et je ne dois pas fermer les yeux.
Parfois je me dis que devenir adulte ne sert à rien d'autre qu'à ça : réparer les pertes et les dommages du commencement. Et tenir les promesses de l'enfant que nous avons été.
Secrets de famille 6 étoiles

Théo va avoir 13 ans. La garde alternée est difficile que ce soit chez sa mère qui ne le supporte pas quand il revient "d’en face", qu’il ressemble au "minable".
Quant à son père, seul, au chômage, il s’enfonce dans une dépression suicidaire que même la présence de son fils n’arrive pas à enrayer.
Mais Théo se tait. Il ne dira rien, à personne ; ni à sa mère bien sûr, ni aux membres de sa famille qui s’éloignent. Il ne trahira pas son père.

Théo passe ses journées de collège avec Mathis, son meilleur ami. Mathis sent que son ami est sur une mauvaise pente "Théo boit de l’alcool comme s’il voulait en mourir."
Mais Mathis ne dit rien. Ni à ses professeurs, ni à sa mère. Il ne trahira pas son ami.

Hélène Destrée est la professeure de SVT, prof principale de la classe des deux garçons. Elle reconnaît d’emblée la souffrance de Théo. Elle pense à un enfant maltraité ; ce comportement , cette attitude, ce regard fuyant, elle les a eus aussi. Elle n’avait jamais rien dit.

Elle refuse d’abandonner Théo, en faisant une affaire personnelle, mais sans traces physiques, sans le moindre aveu ou confidence, elle est impuissante.
"Je sais que les enfants protègent leurs parents et quel pacte de silence les conduit parfois jusqu’à la mort. aujourd’hui je sais quelque chose que d’autres ignorent . Et je ne dois pas fermer les yeux."

Un court roman auquel j’ai eu du mal à adhérer dans cette succession de drames. Aucune lumière, quelques brefs petits souvenirs de bonheur lointains. Puis se posent les questions des loyautés, des trahisons. Jusqu’où peut-on aller pour protéger quelqu’un ?
Au final, un thème intéressant mais un récit un peu lourd·

Marvic - Normandie - 65 ans - 7 décembre 2021


Les loyautés comme un fardeau 5 étoiles

Drôle de roman, drôle de récit, sombre et désabusé, pessimiste et suicidaire.
Je ne vois pas vraiment le rapport entre "loyautés" et cette histoire sordide.C'est étrange de représenter la loyauté comme un carcan.
Pas de question de remettre en cause la qualité de l'écriture, fluide et précise. Le roman construit sur des chapitres courts se lit vite et facilement.
Mais à quoi sert ce livre, quel en est le message ?

Pierraf - Paimpol - 66 ans - 10 février 2021


La sincérité disparaît-elle avec l'âge ? 8 étoiles

Un livre fort évoquant ce qui lie les personnes, comment ces liens peuvent fonctionner, leur intensité ainsi qu'une réciprocité pas évidente.
Les loyautés dont il est question sont bien plus bâties sur l'amitié que sur l'amour, sur le respect de l'autre. Elles prennent leurs racines dans des âmes entières, ce qui peut expliquer qu'elles se développent dans de jeunes ados pas encore imprégnés des exigences et contingences de la vie adulte. Le seul adulte qui développera ce sentiment sera celui, celle plutôt, qui est au contact de ces jeunes et qui puise dans sa propre enfance, une loyauté à l'égard de son vécu et de celui qu'elle devine chez l'un des ados.
Pour les autres adultes, les situations interpellent le lecteur.

Un roman sensible, écrit sobrement, sans effet grandiloquents, analysant finement les évolutions de ceux concernés, parfois désespéré tant les comportements des adultes sont loin de ces sentiments entiers, tant les adultes ne voient pas les souffrances morales des plus jeunes.
C'est aussi une approche de l'entrée dans les addictions.

Mimi62 - Plaisance-du-Touch (31) - 70 ans - 8 avril 2020


Qu’il est difficile de s’occuper des affaires des autres ! 8 étoiles

Dans « Loyautés » Delphine de Vigan fait preuve d’une très grande sensibilité. Elle raconte l’histoire d’un adolescent qui vit dans une famille à problèmes et qui est marginalisé dans son école. Elle voit bien les choses et les écrit bien. Elle a construit son roman en chapitres courts qui parlent chaque fois d’un seul personnage et puis on passe au suivant – ce qui m’apparaît comme un procédé assez facile mais efficace. Ça nous vaut des personnages bien typés tels qu’on en croise dans la vie réelle. Son roman est court et ne dépasse pas le niveau de la « tranche de vie ». On pourrait parler d’une nouvelle plutôt que d’un roman. Ça se lit vite et avec plaisir.

Évidemment, comme bien souvent dans les romans modernes écrits par une écrivaine, les femmes sont vaillantes, lucides, admirables et, comme si ça allait de soi, elles sont victimes des hommes, qui eux, sont veules, vantards, tricheurs et faux culs. Un homme, un seul, apparaît dans ce petit roman comme un type bien. Mais il a deux graves défauts : il est marié et, pas de chance, il est fidèle !

Delphine de Vigan s’est probablement incarnée dans les trois femmes du récit et avait sans doute des comptes à régler… Ça ne l’a pas empêchée d’écrire un très beau petit roman avec des personnages bien campés, une psychologie fine et une sensibilité à fleur de peau. Un petit roman qui vaut la peine d’être lu.

Saint Jean-Baptiste - Ottignies - 88 ans - 5 août 2019


Meurtrissures de l'enfance 8 étoiles

Les loyautés, « ce sont les lois de l’enfance qui sommeillent à l’intérieur de notre corps, les valeurs au nom desquelles nous nous tenons droit, les fondements qui nous permettent de résister […] Nos ailes et nos carcans […] Hélène est prof. Très vite elle détecte chez Théo, son élève, les symptômes de la maltraitance.
Comme si elle était équipée d’un sixième sens, Hélène perçoit l’invisible, l’imperceptible. Elle se doit d’alerter sa hiérarchie, ses collègues, car la menace est là.
Dans ce roman polyphonique le lecteur est ballotté au gré de la pensée de chacun, happé par des émotions aussi diverses qu’opposées. Ainsi l’histoire se construit par éclairages successifs de chapitre en chapitre, par la bouche d’Hélène, de Théo, de Mathis, de Cécile, les différents protagonistes de cette tragédie sociale.
C’est fort, émouvant, extrêmement juste, comme si l’auteure avait vécu cette pression si particulière qui est celle des enseignants confrontés à la souffrance d’enfants, à leur impuissance, à la difficulté à assister sans outrepasser, à intervenir sans trop s’immiscer, à composer avec sa conscience, à gérer les émotions et les traumatismes qui surgissent de leur propre histoire…
Maltraitance, divorce, alcoolisme, autodestruction, protection de l’enfance sont quelques-uns des thèmes qu’explore dans ce beau roman Delphine De Vigan, avec un réel talent pour exprimer la subtilité des liens qui unissent et/ou détruisent les humains.

Papyrus - Montperreux - 64 ans - 1 février 2019


société du XXIème siècle 9 étoiles

Loyauté au pluriel, quel beau principe de vie ! Chacun des héros de ce livre garde cette vertu au fil des pages.
Hélène Destrée est professeur de collège ; elle aime ses élèves et un de ceux-ci lui cause particulièrement du souci : Théo. Il n'est pas sans problème non plus, une semaine chez un père sans emploi, l'autre chez une mère inflexible. Mais tout est gardé sous silence. Une éclaircie pour Théo ? Son copain de classe Mathis n'est pas gâté non plus ; sa mère Cécile est intriguée par l'attitude de son mari William.
De courts chapitres émaillent ce roman. La progression de l'intrigue est linéaire mais en tête de chaque chapitre apparaît le nom de l'un des personnages qui apporte son point de vue.

Ddh - Mouscron - 82 ans - 18 juillet 2018


Les loyautés : nos ailes et nos carcans 7 étoiles

Quatre personnages embarqués dans une spirale dramatique liée à la découverte par Hélène, prof de collège, de l'alcoolisation régulière de Théo, élève de 5e.

Un roman en trente-trois séquences de longueur variable, chacune titrée du prénom de l'un des 4 protagonistes de la fiction. S'y entrelacent les monologues à la 1e personne d'Hélène et de Cécile, mère de Mathis, copain de Théo et des récits à la 3e personne, plus distanciés mais traduisant un regard intérieur, pour les deux garçons. Il se présente donc comme un roman choral , il est cependant écrit d'une même plume.

Chacun est porteur d'une fêlure cachée.
Pour Hélène, d'avoir été enfant battue, victime d'un père bourreau.
Pour Cécile, d'avoir été fille d'alcoolique et d'avoir découvert récemment une facette honteuse de son mari.
Pour Théo, de tenter d'échapper par l'alcool au traumatisme du divorce, à l'épuisement d'avoir à supporter une situation trop lourde .
Pour Mathis , c'est l'impossibilité de se libérer de l'emprise de Théo .

Un roman très sombre, très noir, qui ne prend tout son sens qu'à la lumière du prologue.
Les situations oppressantes où se pose le choix de la fidélité à des valeurs ou à la parole donnée sont choisies pour illustrer les définitions de la notion de loyauté présentées en préambule.

Ce ouvrage, profondément ancré dans la société de notre époque reflète des inquiétudes aussi diverses que le chômage, les dérives des roseaux sociaux et interroge le lecteur sur une variété de problèmes familiaux liés au divorce, aux conduites déviantes, aux traumatismes d'enfance .

Une chronique compatissante, un concentré de hontes et de secrets servi par une écriture vigoureuse et sans graisse, et dont l'auteur a su confier au lecteur le soin d'imaginer le dénouement.
A chacun d'y voir une issue tragique ou rassurante ...

Alma - - - ans - 28 mars 2018


L'attention donnée à l'autre 7 étoiles

Ce roman traite donc de la place d'une enseignante face à un élève en difficulté, du fait de problèmes sociaux apparemment lourds, de celui d'un ami qui restera fidèle jusqu'à la fin ... de cette histoire. Il est psychologiquement bien senti, comme souvent chez Madame de Vigan, mais aussi aime-t-elle traiter des sujets sociaux, ce qui représente une fort bonne idée, avec une intrigue bien menée, ce qu'apprécient ses lectrices et lecteurs, mais souvent avec une tonalité glauque, également présente dans cet opus. Si j'ai apprécié ce livre, j'ai ressenti des réserves, devenues habituelles, en lisant ses lignes, car elles contiennent quelque chose d'un peu voyeur, par la précision des descriptions apportées, des rancoeurs et malaises.
Il est aussi question de ce que cache à sa femme le mari de l'enseignante.

Pour conclure, le sujet reste intéressant, mais son traitement continue de me déconcerter.

Veneziano - Paris - 46 ans - 27 février 2018


"Les Loyautés" de Delphine de Vigan : jeune à jamais 7 étoiles

Désormais parmi les poids lourds de la scène littéraire française, Delphine de Vigan revient en librairie avec Les loyautés publié chez JC Lattès. Comme à chaque fois, le livre a été attendu avec ferveur et passion par les fans de l’auteure née en région parisienne. Comme à chaque fois, il est question de la jeunesse et des tourments qui nous guettent à chaque étape de notre vie. Lettres it be est allé découvrir Les loyautés et vous en dit quelques mots.

# La bande-annonce

Les destins croisés de quatre personnages : Théo, enfant de parents divorcés ; Mathis, son ami, qu'il entraîne sur des terrains dangereux ; Hélène, professeure de collège à l'enfance violentée, qui s'inquiète pour Théo ; Cécile, la mère de Mathis, qui voit son équilibre familial vaciller. Une exploration des loyautés qui les unissent ou les enchaînent les uns aux autres.

# L’avis de Lettres it be

Quels liens peut-on espérer trouver entre des destins qui, inexorablement, courent à leur fin ? A quel moment peut-on être unis dans la déchéance ? Ce sont, entre autres, les grandes questions posées par Delphine de Vigan dans son tout dernier livre paru chez JC Lattès. Des destinées pourtant diamétralement opposées mais que l’on va voir s’animer sous nos yeux au côté des différents personnages du récit. Des jeunes Théo et Mathis amis pour le meilleur et pour le pire, en passant par Cécile ou Hélène, Delphine de Vigan s’empare de 4 personnages bien marqués pour dérouler le fil de son histoire. Comme souvent avec la plume de l’auteure, le ton est vif, rarement alangui (une force en ce moment), il court à l’essentiel. Un essentiel peut-être trop attendu, trop prévisible malgré tout.

En arrière-plan, on pense inévitablement au Il faut qu’on parle de Kevin de Lionel Shriver. Difficile en effet de ne pas se rapprocher de ce roman, et de bien d’autres encore, qui traite des difficultés de l’adolescence quand l’âge adulte sonne à la porte. Des difficultés inhérentes à chacun, causées par bien des choses et des tourments de la vie, mais qui méritent toute une attention particulière. Delphine de Vigan souligne une fois encore et cela et délivre un message universel dans sa simplicité et son intérêt.

Une fois encore, Delphine de Vigan dessine les contours de l’existence d’un jeune qui a vieilli trop vite. L’auteure choisit pour personnage central un jeune homme déjà trop âgé, déjà trop expérimenté dans les tourments que peut nous réserver la vie tout au long d’une existence. Après No et moi, on pense recroiser un personnage qui a tout l’air d’une Zazie dans le métro ou d’un Holden Caulfield de L’Attrape-cœurs. L’histoire va en ce sens en tout cas et, malgré quelques facilités dans la construction du récit, ce roman ne quitte que trop difficilement vos mains. Ca se lit vite, ça captive malgré une légèreté de fond et de forme qui ne trompe pas.

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Lettres it be - - 29 ans - 26 février 2018