Fille de révolutionnaires
de Laurence Debray

critiqué par Colen8, le 1 février 2018
( - 82 ans)


La note:  étoiles
Ce qu’ils ont fait de leurs vingt ans et par la suite
Leur fille non sans drôlerie tente de reconstituer son histoire personnelle à travers de celle de ses parents. C’est une histoire vive, lucide, vécue avec les yeux d’une petite fille qui finit par comprendre mieux que quiconque la petitesse de quelques grands de ce monde. Son père Régis Debray est un fils de famille parisienne et bourgeoise pur jus proche du pouvoir gaulliste. Sa mère Elisabeth Burgos sublime dans tous les sens du terme est vénézuélienne d’origine plus que respectable elle aussi.
Le parcours de leurs vingt ans un rien folklorique dans toute l’Amérique Latine montre leur engagement dans la révolution au point d’abonder à fond dans le castrisme durant les années 1960. Quelques brefs séjours en prison vite abrégés par les interventions familiales en haut lieu leur ont valu à tous deux cette étiquette de révolutionnaires, plus d’opérette dans les débuts que véritables. Fidel Castro les invite près de lui pendant un temps, puis décide d’envoyer Régis auprès du Che pour étendre la révolution au reste du continent sud-américain. L’histoire prend un tour dramatique lors de l’arrestation de Régis dans la jungle bolivienne avec le risque d’une exécution sommaire. Quand il sort de 4 ans de prison en 1971 il n’aura renoncé en rien à l’idéologie qui l’anime.
Née en 1976, Laurence n’a que 5 ans quand son père entre à l’Elysée comme conseiller de Mitterrand sur les affaires internationales. Une enfance ballotée, des parents souvent absents sont à l’origine de l’insécurité qui l’habite, malgré des grands-parents affectueux et protecteurs tant en France qu’au Venezuela. Comme ses parents se sont rebellés contre leurs familles et leur époque, elle suit leur modèle en quelque sorte pour en prendre sans hésitation le contre-pied. Eux se sont engagés en politique mus par l’espoir de changer le cours de l’histoire au détriment de leur vie personnelle, pour elle ce sera l’inverse, un foyer stable avant tout.
Une ascendance tumultueuse 9 étoiles

Etre la fille de Régis Debray et d'une révolutionnaire vénézuélienne ne relève pas de tout repos. D'une part il faut vivre en direct les soubresauts de l'engagement de ses parents, d'autre part la narratrice doit supporter les commentaires qui en sont faits et les rumeurs sur la face cachée, réelle ou supposée, de ses actions. Son père s'engageant auprès de Fidel Castro, à Cuba comme auprès de plusieurs Etats latino-américains, une relation confuse avec Che Guevara qui met désormais sa fille dans l'embarras, un engagement auprès de François Mitterrand en vue d'instaurer peu ou prou une diplomatie parallèle et le soutien au régie vénézuélien de Hugo Chavez constituent l'essentiel d'un héritage légué de son vivant. Cela contraste avec l'univers ouaté des grands-parents paternels de l'auteure.
Ce témoignage retrace évidemment un parcours sinueux, ce qui est déjà fort utile ; il permet de prendre conscience de l'ambivalence de l'engagement de la gauche radicale, comme de l'importance de la liberté de conscience des enfants de parents militants. Ce livre contient en effet beaucoup d'humour, dans la description de ces inquiétudes et agacements. Il est utile à maints égards.

Veneziano - Paris - 46 ans - 1 août 2019


Témoignage à méditer 10 étoiles

Laurence Debray, fille de Régis et de la vénézuélienne Elizabeth Burgos, publie un livre qui retrace son enfance, son adolescence et les débuts de sa vie d'adulte. Il comprend plusieurs points de vue qui ne cessent de s'entremêler au cours des pages. Le premier est celui de la fille de parents engagés à fond dans la vie intellectuelle et politique, occupés au delà du raisonnable et délaissant leur fille, d'autant plus qu'ils se séparèrent très vite après sa naissance et vécurent assez librement. Les douleurs et insatisfactions de l'enfant sont particulièrement bien restituées avec réalisme et pudeur. Au coeur de ce délaissement est l'interrogation de leur fille sur les raisons de l'engagement de ses parents, et surtout de son père.Elle a cherché à comprendre pourquoi cet intellectuel, issu de la grande bourgeoisie, a suivi les illusions gauchistes des années 1950/60, puis, adulte, en est revenu, après un détour, plus ou moins renié, par Mitterrand. Elle n'a, semble-t-il, toujours pas compris. Corollairement, elle s'interroge tout au long du livre sur le sens de la politique et le regard qu'elle porte sur elle est très critique, tant sur les personnes que sur leur goût du pouvoir et des prébendes. Au delà de cette sorte d'abandon, elle compense par une double insertion: celle du milieu très grand bourgeois de ses grands-parents et celle d'amitiés multiples où trône celle de Simone Signoret. Elle décrit très bien les avantages qu'elle tire de chaque côté. Tout cela est écrit dans un style parfait, clair, parfois rageur, souvent ironique ou tendrement ironique. Ce livre constitue un témoignage passionnant sur la période et les personnages. Il me semble cependant que son origine est et reste, son mariage le prouve, dans cette élite intellectuelle et financière qui a si mal géré la France depuis 50 ans. Et là, malgré les interrogations qu'elle émet, elle se défausse comme si elle n'était ps un peu responsable de la faillite présente.

Falgo - Lentilly - 84 ans - 31 juillet 2018