Le miracle Spinoza: Une philosophie pour éclairer notre vie
de Frédéric Lenoir

critiqué par Elko, le 28 janvier 2018
(Niort - 47 ans)


La note:  étoiles
Spinoza pour les nuls
Baruch Spinoza est un intellectuel majeur du XVIIème siècle. Lorsque Frédéric Lenoir le découvrit, il eu une révélation : cet homme avait le pouvoir de changer des vies avec une méthode non seulement innovante mais surtout basée sur la joie, bien plus attractive que les philosophies du renoncement ou de l'ascèse. L'auteur présente le parcours atypique du philosophe et nous introduit à sa pensée.

Spinoza est juif et hollandais. Marqué par le cartésianisme il se base sur l'étude rationnelle et la connaissance pour mettre en place ses théories politiques, religieuses et éthiques. Et le moins qu'on puisse dire c'est qu'elles se détachent nettement de la ligne judéo-chrétienne traditionnelle. Libre penseur, son travail dérange : il passe le discours et les textes religieux par le crible du raisonnement. A titre d'exemple il soutient que si le peuple juif a été élu par Dieu c’est moins pour ses qualités que pour son caractère indiscipliné nécessitant un guide autoritaire. De la même façon Spinoza considère que Dieu n’ayant pas rempli sa part du contrat (la promesse d’un état hébreux), le peuple juif n’est plus tenu de respecter la sienne (la poursuite des rites et des traditions). Dans une période aussi religieuse, avec de telles affirmations, il ne tarde pas à être exclu de sa communauté. Très vite la philosophie l’emportera sur la religion. La raison sur la foi. Elle sera un refuge dans les malheurs qui le frapperont. Il ose une méthodologie pour une étude critique de la Bible, il remet en question la fiabilité des témoignages des prophètes, produit une métaphysique innovante basée sur le monisme et l’immanence, … Ceci dit Spinoza s’est entouré de beaucoup de précautions, notamment en ne signant pas de son nom ses publications ou ne les publiant qu’à titre posthume.
Sur le plan politique il est un défenseur de la démocratie, considérée comme le régime le plus stable.
Son œuvre la plus emblématique, "l'Ethique", est une recherche de la béatitude par la joie guidée par la raison, et une redéfinition de la notion du bien et du mal, remplacée par celle du bon et du mauvais selon le désir, là encore guidé par la raison.

Frédéric Lenoir a cette grande qualité d'avoir rendu accessible une philosophie réputée difficile. Difficile car utilisant son propre jargon et structurée avec toute l’aridité d’une démonstration mathématique. Même si les quelques pages d’échanges épistolaires avec un spécialiste laissent voir des interprétations qui peuvent être sensiblement différentes, de nombreuses pistes sont dégagées. L’approche est un peu scolaire, tirant un peu sur la dithyrambe (seule la conclusion amène quelques critiques sur les insuffisances de Spinoza avec les droits des femmes et ceux des animaux; étrange développement dans ce qui devrait être une partie de synthèse) mais mène à réfléchir. Une bonne porte d’entrée sur un monde à explorer.
Spinoza, un philosophe majeur 8 étoiles

Après « Le Problème Spinoza » d’Irvin Yalom, une fiction d’une très grande qualité, voici que je termine « Le Miracle Spinoza » qui nous fait découvrir la pensée d’un philosophe majeur et précurseur du 17ème siècle.

Frédéric Lenoir tente de décrypter la pensée du Néerlandais d’origine juive et portugaise qui fut inspiré par Descartes mais dans une confrontation plus directe avec les religions de son époque, ce qui lui occasionnera aussi quelques désagréments. Il fut cependant plus prudent et prêt à s’effacer à plusieurs moments de sa vie pour pouvoir poursuivre son œuvre sans subir persécutions ou emprisonnement comme certains de ses amis.

En quoi Baruch Spinoza fut-il un précurseur, quel fut le terreau de ses positions à la fois révolutionnaires et trop progressistes pour son temps, que retenir de ce personnage étrangement positif, bourré de principes, et conscient que sa pensée soit avant-gardiste et séditieuse. Sa conception moniste de la religion m’a particulièrement interpellé.

Tout cela, Frédéric Lenoir nous le livre de la meilleure façon en vulgarisant au maximum tout en gardant l’essentiel ; une performance remarquable en elle-même.

Pacmann - Tamise - 59 ans - 6 mars 2020


Le bien véritable 8 étoiles

La vulgarisation est un blasphème pour les uns, une preuve de générosité pour les autres. Spinoza, modèle inspirant pour de nombreux philosophes et penseurs, peut l’être également pour les néophytes et autres curieux timorés, à travers ce livre qui, la dernière page lue, témoigne tant d’un ouvrage d’accessibilité que du chemin d’un individu aux côtés de ce personnage extraordinaire.

« Quand l’expérience m’eut appris que tous les événements de la vie ordinaire sont vains et futiles (…), je me décidai en fin de compte à rechercher s’il n’existait pas un bien véritable et qui put se communiquer, quelque chose enfin dont la découverte et l’acquisition me procureraient pour l’éternité la jouissance d’une joie suprême et incessante ».

Là où l’"Ethique" ou l’œuvre inachevée qu’est le "Traité de la réforme de l’entendement", amènent une structure peut-être froide, au langage hermétique, Lenoir dispose devant nous sa sensibilité et sa relation à la pensée spinozienne, comment elle a « percolé » en lui, comment il l’a filtrée pour nous laisser ce qui lui semblait fondamental, apportant une traduction du cœur à cette discipline de la raison. Pour moi qui me suis souvent enthousiasmée à l’écoute des « adeptes » de Spinoza sans jamais trouver le courage de me plonger dans sa densité, ce livre est un heureux cadeau. Il nous permet de goûter à cette dimension apportée à l’existence, sans avoir à traverser cette chape ardue qu’est son écriture parfois difficile. On sait que le joyau se cache toujours dans la roche, qu’il faut tailler et tailler encore, puis polir. Paresseusement, il est bon que certains le fassent aussi pour nous.

Démocratie, liberté, religion, sentiments humains sont exposés à cette lumière si particulière. Revisitant les approches épicurienne et stoïcienne, Spinoza va plus loin, disant que raison et volonté (mues par l’exclusive pensée) ne suffisent pas. Il faut la globalité du désir. L’élan. Voilà qui nous guide vers le bien véritable. On ne supprime pas la haine par la raison mais en faisant surgir un sentiment plus fort : un amour, une joie, un espoir. Orienter le regard vers ces aspects en particulier de sa pensée sont aussi le propre de l’auteur, comme il est le mien de le souligner ici.

La vie de Spinoza, son audace, ses paradoxes et ses zones d’ombres (sa vision utilitariste des animaux ou sur la position « inférieure » de la femme, par ex), Lenoir adhère ou n’adhère pas, pas de « mono-culte » du philosophe. Mais une démarche globale, sincère, d’homme à homme. C’est en cela, dans toute cette authentique subjectivité, mue tant par le désir que la raison, que réside pour moi la joie de cette lecture.

Bluewitch - Charleroi - 44 ans - 16 décembre 2018