Jusqu'à la bête
de Timothée Demeillers

critiqué par CHALOT, le 21 janvier 2018
(Vaux le Pénil - 76 ans)


La note:  étoiles
roman social réaliste
« Jusqu’à la bête »
Roman de Timothée Demeillers
Editions Asphalte
Septembre 2017
149 pages
Roman social

Erwan conte son histoire, son quotidien ici en prison et son passé récent quand il travaillait à l’abattoir près d’Angers.
C’est sa vie quotidienne, les carcasses des bêtes qu’on abat, le sang qui coule, les plaisanteries, toujours les mêmes, entendues et le regard des autres, à l’extérieur, des copines rencontrées et de celle qu’il a fréquentée quelques mois.
Tous ne voient en lui qu’un boucher.
Il est commis aux frigos avec Didier, celui qui ne cesse de causer : « Lui enfermé dans son petit frigo, à trancher des flancs, à prendre le Ph, et moi à côté, dans mon hangar frigorifique à ordonner mes carcasses. Les compagnons du froid. Les inséparables des frigos. »
Il y a la mort des bêtes, leurs cris, l’odeur qui colle à la peau et les images qui reviennent la nuit en cauchemars.
Erwan nous fait découvrir l’horreur de ce quotidien, toujours le même, le travail à la chaîne, l’abattage à des cadences infernales, augmentées en fonction des commandes pour le profit.
Il y a l’envers du décor bien propre de l’entreprise vue des bureaux avec des photographies représentant des vaches paissant dans des prés verdoyants et des employés portant des blouses blanches et brillantes.
Il y a le monde des cols blancs, celui des secrétaires et celui de ceux d’en bas qui aspirent à la retraite.
Ils espèrent pouvoir goûter de deux ou trois années de paix et de bonheur, sachant bien que leur espérance de vie de l’après travail est courte.
Erwan a tout le temps de repenser à tout ceci, à son enfance déchirée, à ses longues années à l’usine de destruction massive et à ses espérances dans l’attente de sa sortie de prison.
Mais au fait, il a commis l’irréparable, mais quel irréparable ? Le lecteur devine qu’il existe un lien direct entre sa situation d’hier et son crime mais il faudra attendre la fin pour tout savoir.
Ce roman nous prend aux tripes et j’avoue que le réalisme et la précision des descriptions ne me donnent pas envie d’acheter un morceau de viande pour « agrémenter » mon repas

, même si cette viande- là, bien présentée n’a rien à voir avec les carcasses découpées.
Erwan essaye de se créer des rêves comme le fait son voisin de cellule : « des rêves pour dans seize ans, si tout se passe bien, dans seize ans quand je pourrai sortir et retrouver les beaux souvenirs du passé », ils sont rares mais ils existent et dans la vie il vaut mieux essayer de s’accrocher au beau, même s’il faut le chercher.

Jean-François Chalot