Je suis mort, et alors ?
de Philippe Bouvard

critiqué par Catinus, le 20 janvier 2018
(Liège - 72 ans)


La note:  étoiles
Jouissif et consolateur
Philippe Bouvard imagine qu’il est décédé. Le voici dans un logis de deux mètres carré, six pieds sous terre. Son cercueil est muni d’un télescope afin de voir ce qui se passe chez ses voisins, tous aussi refroidis que lui. Comme les heures sont longues et ennuyeuses, il en profite pour nous raconter, plic-ploc, ce que fut sa vie : ses joies, ses passions et comme dit Aznavour, ses amours, ses emmerdes…

Plutôt jouissif comme lecture et surtout consolateur : qui que l’on soit, on n’est finalement pas grand-chose …

Extraits :

- Paul Valéry professait que la bonne santé se mesurait au silence de ses organes.

- Je dois, en vérité, mes très rares instants de plénitude à un sourire, à un panorama, au contact d’un épiderme ou à la traversée de mon esprit par une idée. Le bonheur absolu m’a parfois rejoint au travers de lectures à l’effet contradictoire puisqu’elles me donnaient à la fois le plaisir de découvrir un talent et le désagrément de ne pas en posséder autant.

- Il est préférable de mourir très malade, pauvre et seul. Comme ça, on n’a rien à regretter.

- Les religions poussent à l’immobilisme à coups de sornettes invérifiables : vie après la vie ; enfer et paradis ; résurrection et jugement dernier ; immortalité de l’âme et messie ; saint et bienheureux.

- A dix-huit ans, je nourrissais deux ambitions : publier un chef-d’œuvre et mourir jeune. Double échec : j’ai vécu longtemps sans devenir écrivain en dépit d’une pyramide de livres ayant plus encombré les bibliothèques que les mémoires. Lorsque je m’en suis avisé, il était trop tard. J’étais devenu un vieux con et à l’aise. C’est la grande supercherie de notre société d’autocongratulations. A l’aide de petits conforts, elle donne l’impression de la réussite à des gens qui ont tout raté. Ou qui – encore plus grave – auraient pu faire beaucoup mieux.

- Ainsi, la république des lettres est-elle peuplée de vieux écrivains mineurs convaincus de publier incessamment sous peu le chef-d’œuvre qui bouillonne en eux depuis leur adolescence. L’ennui, dans le cas comme le mien, c’est que les carottes sont cuites.