Une vie neuve
de Alexandre Mc Cabe

critiqué par Libris québécis, le 13 janvier 2018
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
Un Québec en devenir
La famille tient à cœur à Alexandre Mc Cabe, un jeune Québécois pure laine de la région de Lanaudière. C’était le sujet de son premier roman, Chez la reine, commenté sur ce site. L’angle choisi ne s’apparente pas aux romans d’époque du Québec : le patriarcat et la trôlée d’enfants vivant de l’agriculture. L’auteur sonde plutôt les cœurs pour découvrir l’ADN social, politique et psychologique québécois à travers les trois frères Leduc et leur sœur Marie. Et ce n’est pas parce que l’on est né des mêmes parents que l’on partage le même point de vue.

L’œuvre s’identifie moins à un roman qu’à des tableaux de personnalité. Avec une plume sûre, Mc Cabe trace ce à quoi aspire chacun de ses quatre protagonistes sans trop savoir ce qui les attire. L’agir est en quête d’objet. Que fais-je et que veux-je ? Le grand dilemme shakespearien.

Les Leduc ont du kilométrage dans le corps au moment où le roman débute. Avec les années, ils sont devenus des étrangers pour les leurs. Philippe est un avocat à la solde des détenteurs du pouvoir économique. Pas question de se laisser séduire par les jeunes loups assoiffés d’une plus grande équité sociale. Les lecteurs québécois reconnaîtront Gabriel Nadeau-Dubois, qui aura brassé la cage des bien-pensants en 2012 en soutenant les revendications étudiantes. Pour Philippe Leduc il est clair qu’il faille condamner ces rêveurs qui s’initient à se donner une pensée, encouragés en ça par les journalistes favorables à leur cause. L’ère est au changement, crient les étudiants qui défilent dans les rues de Montréal en tapant sur des casseroles.

Le chapitre suivant amène Benoît Leduc, le cœur en bandoulière à la suite d’un échec amoureux. Quoi de mieux que de se lancer sur le chemin de Compostelle pour faire le deuil d’une femme qui l’a laissé choir. En fait, il joue à l’amour. Son rêve, c’est d’être un homme important des médias qui ne sait trop comment aborder sa vie. C’est un joueur qui se fait du théâtre.

Avec Jean Leduc, on rencontre le sociologue penché sur le sort du Québec. C’est la souveraineté qui luit au bout de son tunnel. Une souveraineté ouverte sur le monde comme le prônaient les ténors de la cause tels Pierre Bourgault, Jacques Parizeau, Georges-Émile Lapalme. Il a en horreur ces péquistes (souverainistes) repliés sur eux-mêmes qui proposent une société calquée sur la communauté des Amish. À nous le monde, crierait-il en s’appuyant sur les écrivains qui défendent un pays en devenir au lieu de protéger des acquis moins porteurs de nos jours. C’est le chapitre le mieux articulé, un discours sur ce que devrait être l’enjeu de la souveraineté.

Enfin, on arrive à Marie, la petite sœur devenue une artiste peintre. Ce chapitre souligne le rôle des artistes dans ce monde. Être la voix d’un peuple en marche, le Moïse des juifs exilés en Égypte. Il faut fuir le narcissisme artistique. Il ne s’agit pas de se faire apprécier à tout prix mais d’être un phare.

L’auteur déplore le manque de fougue de tous et chacun dans toutes les sphères de la société. Il blâme tous ces êtres qui se profilent une existence à courte vue : le profit, le repli sur soi, la suffisance. Y a-t-il encore de l’espoir pour notre peuple apathique ?

En somme, Alexandre Mc Cabe lance un cri d’alarme à travers les enfants d’une famille dont il décrit les préoccupations avec précision et élégance. Pourront-ils connaître cette vie neuve comme le mentionne le titre ? Leurs désirs relèvent davantage de vœux pieux. Comment se donner un monde nouveau quand chacun reste sur son quant à soi ? La famille Leduc ne se parle pas, se déteste même. Ils ne savent pas comment faire corps pour soutenir une cause qui leur tient à cœur.

L’auteur a fait le portrait de certains Québécois, mais il n’a pas écrit un roman. Ses personnages sont des îles perdues d’un océan que rien ne relie.