Les Ecrivains Nuisent Gravement à la littérature de Éric Allard

Les Ecrivains Nuisent Gravement à la littérature de Éric Allard

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Débézed, le 16 décembre 2017 (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 76 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (22 897ème position).
Visites : 3 240 

"Tu t'es vu quand t'as lu !"

Il est arrivé, juste après le beaujolais nouveau mais avant Saint Nicolas et le Père Noël pour pouvoir être déposé chez tous ceux qui l’ont mérité. Je parle bien sûr du P’tit cactus d’Eric Allard qui est encore là, tout chaud, sur mon bureau. Eh oui ! Eric Allard a été « cactussé » (je ne sais si l’académie des aphoristes belges reconnaît ce qualificatif mais je l’assume), il est entré dans la célèbre collection des P’tits Cactus comme d’autres entrent dans la Pléiade sauf que dans la collection des cactées littéraires on entre droit debout, bien vivant, alors que dans celle des belles filles, on rentre à l’horizontale les pieds devant, sauf exception, certain jouant l’anticipation. Il a franchi le contrôle du comité de lecture sans aucun souci, il avait préparé son affaire, « J’aligne toujours bien mes phrases avant de les présenter au peloton d’exécution du comité de lecture ».

Pour Eric, ce recueil est l’occasion de dire avec habilité, intelligence et même une certaine élégance, sans jamais penser à mal, quoique…, tout ce qu’il a toujours tu sur le monde littéraire. Je trouve que parfois, il s’avance un peu mais c’est le problème de ce fichu narrateur qui prend parfois des libertés avec l’auteur. Il se permet même de prétendre que « Les plus belles rencontres entre écrivains et éditeur se terminent souvent sous la couverture » et pourquoi pas la jaquette ?

Eric chérit particulièrement les poétesses, « J’aime les poétesses toutes lues qui m’offrent un dernier vers », surtout celles qui ne font aucune concession à la facilité, « Les vraies poétesses ne prennent jamais la prose. Même pas pour un éditeur parisien ». Il ne méprise pas pour autant les autres auteurs, « Le philosophe s’attaque aux mots par le versant des idées, le poète descend la montagne de la pensée en rappel ».

Ce qu’il dédaigne, c’est la marchandisation et l’industrialisation de l’art, l’intérêt pécuniaire, bref tout ce qui éloigne le lecteur de la création artistique pure. « Cet entrepreneur littéraire vient d’ouvrir une chaîne d’ateliers d’écriture en complément d’un centre d’élevage de poète de concours ». Les passe-droits en tout genre lui fournissent aussi de belles cibles pour ses flèches acérées. « Pour complaire à leurs parents, le fils de cet auteur et la fille de cet éditeur ont pour le déshonneur de la Littérature été contraints à un mariage d’intérêt ».

Le monde des lettres est un univers complexe qu’Eric essaie de décrypter pour le lecteur et même s’il n’a plus d’encre dans le sang d’autres en ont encore. « Depuis que je n’ai plus de veine avec les éditeurs, je me fais un sang d’encre ». L’éditeur et l’auteur forment souvent un couple infernal que le lecteur comprend mal surtout quand leurs femmes se mêlent de leurs affaires. « Quand la maîtresse de l’éditeur est la femme de l’écrivain qui porte la maison, il y a péril en la demeure ». Alors, nous suivrons les bons conseils qu’il distille au fil des pages : « Tenez-vous à distance des mots quand ils sont dans la bouche d’imbéciles ! », « Devant le passage à niveau des Lettres, je regarde passer le train des écrivains » qui se bousculent convaincus de leur supposé talent.

Eric c’est aussi un humour très fin qu’il faut savoir décrypter, je me demande si je ne suis un peu la victime pas tout à fait innocente de l’une de ses flèches : « Les textes pondus vite contiennent des coquilles ». D’accord, je relirai mieux mes chroniques.

Avec tout ça, j’ai pris un grand plaisir à lire ce recueil plein de finesse, de sous-entendus, de piques acérée, … bien cachés dans le subtil jeu des mots. Je ne sais qui m’a dit « Tu t’es vu quand t’as lu ! » Allard, t’es hilare !

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Analyse au scalpel

9 étoiles

Critique de Nathafi (SAINT-SOUPLET, Inscrite le 20 avril 2011, 57 ans) - 24 juin 2018

Serait-ce parce qu'Eric Allard, comme noté dans la préface, est né un jour de Carnaval, que ce malicieux auteur, avec un phrasé inimitable et une finesse d'esprit sans pareille, nous livre ici un recueil drôle à souhait ?
C'est une pluie de confettis qu'il nous offre, des petites phrases presque innocentes qui fusent de son esprit en ébullition, montent en l'air et redescendent parfois comme des couperets.

Il faut se mettre en condition et vouloir tout entendre pour commencer sa lecture, les sujets tantôt attendrissants, tantôt corrosifs ne nous laissent pas de marbre. Car en terme de littérature, l'auteur en connaît un rayon, ce n'est pas un lapin de six semaines à qui on va en raconter ! Tout y passe, les éditeurs bien sûr, qui mènent la danse, les auteurs souvent en souffrance, la poésie malmenée depuis des lustres, Eric Allard rend hommage à tout ce petit monde, à sa manière, se jouant des mots et se les appropriant, les réinventant, nous proposant une sorte de potion mi- magique mi-envoûtante. Sourires, rires et étonnement sont le lot de ses aphorismes et nanofictions, il est à parier que certaines dents grinceront, mais l'humour reste de mise.

Une façon bien personnelle de remettre les choses en place, une analyse au scalpel de ce qu'est le monde impitoyable de la Littérature, de son évolution et de ses dérives, un P'tit Cactus qui vaut le détour !

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