Oeuvres Tome IV : Traité Politique.Lettres.
de Baruch Spinoza

critiqué par Colen8, le 15 décembre 2017
( - 82 ans)


La note:  étoiles
D’un grand sage
Le gouvernement le meilleur selon Spinoza serait en mesure d’assurer aux citoyens les droits de liberté publique, d’égalité, de justice, de concorde à l’intérieur, de paix à l’extérieur. A défaut son Traité Politique décline dans leurs principes et leurs conditions d’exercice, trois formes de gouvernement à savoir : la monarchie qu’elle soit élective ou héréditaire, le pouvoir aristocratique de quelques-uns sur la masse justifié par leur « supériorité » et leur richesse, la démocratie. Il défend la nécessité du renouvellement des élites dirigeantes, conseils auprès du roi en monarchie, membres des assemblées en cas d’oligarchie, celle de les désigner à l’âge respectable auquel les passions seraient apaisées, les risques de corruption écartés, toutes élites dont la priorité serait l’intérêt général, la recherche du bien commun et ce dans la transparence des décisions(1).
Inachevé au milieu du chapitre 11(2) en raison du décès prématuré de son auteur à l’âge de 45 ans, il est doublement agréable à lire, par sa présentation de grande clarté et par son style du XVIIe siècle pas trop éloigné du nôtre. En fait il s’apparente à un code ou à une charte enchaînant des articles dont certains se renvoient les uns aux autres pour éviter redites et lourdeur. A cet égard les rédacteurs du Traité Constitutionnel de l’UE rejeté par référendum en 2005 auraient bien fait de s’en inspirer… Par contre il ne se prive guère d’un sexisme avéré quant à l’incapacité des femmes à gouverner autre chose que la maison.
En complément l’éditeur a ajouté une partie de la correspondance de Spinoza dans les années 1660 au travers de laquelle on note son souci de la rigueur. Y sont évoqués son travail sur des sujets philosophiques, politiques ou scientifiques : les Principes de la philosophie de Descartes, la guerre des Provinces Unies devenues indépendantes avec l’Angleterre, le retour possible des Israélites dans leur patrie(3), la polémique suscitée par l’Ethique à propos de laquelle il se défend de tout athéisme(4), les expériences de Boyle sur le salpêtre, ses échanges avec Leibniz sur l’optique. On se délecte de l’exquise courtoisie des échanges épistolaires habituels avec les uns et les autres qui n’en deviennent pas moins sévères et secs à l’encontre de ses contradicteurs.
(1) Rien qui ne nous soit familier, ni ne souligne la permanence des principes de gouvernement des peuples en dehors des régimes absolutistes.
(2) Il dépasse à peine la centaine de pages en tout.
(3) Déjà pourrait-on dire, car il fait référence aux Juifs dispersés de Palestine après la destruction du Temple de Jérusalem par les Romains en 70 de notre ère.
(4) Sa tolérance envers toutes les croyances fait voir en lui un précurseur de la laïcité, notion aussi inacceptable pour les chrétiens de l’époque qu’elle l’est encore pour les musulmans.