Six mois dans la vie de Ciril
de Drago Jančar

critiqué par Pucksimberg, le 27 novembre 2017
(Toulon - 44 ans)


La note:  étoiles
La jeunesse européenne et le capitalisme vus par un grand écrivain
Ciril est un jeune violoniste jouant dans le métro de Vienne. Sa vie va changer quand il va croiser le chemin de Stefan Dobernik. Ce dernier lui propose un travail et l'embarque à Ljubljana, capitale de leur pays d'origine. Ciril ne mesure pas encore tous les changements que cette expédition va avoir sur lui, son quotidien, son goût musical et sa joie de vivre ... Son nouveau statut de conseiller d'une grande entreprise veut à la fois tout dire et rien dire. De plus quelque chose de malhonnête semble se tramer ...

Ce roman de Drago Jancar, considéré comme le meilleur écrivain slovène contemporain, comporte de courts chapitres qui dynamisent le récit. Ciril semble être un personnage naïf plongé dans un univers qu'il ne maîtrise pas. Il incarne cette jeunesse d'ex-Yougoslavie qui est sans repères, qui souhaitait appartenir à une même identité commune et qui se retrouve nulle part au final. Par ailleurs, le capitalisme remplace cette idée noble d'identité européenne. Comment cette jeunesse peut-elle se retrouver dans cette civilisation cupide qui sacrifie ses idéaux au dieu Argent ? Ciril incarne cette désillusion européenne et se trouve pris dans un engrenage dont il ne contrôle et ne comprend rien.

Parallèlement à ce tableau critique de l'Europe d'aujourd'hui, l'on suit les pensées du personnage principal qui en dit moins que ce qu'il pense. Dans tous les dialogues figurent les déductions et constats silencieux de Ciril, plus spectateur qu'acteur. Grâce à ces interventions, l'on comprend la déception du personnage surtout quand il confronte son passé de violoniste avec de vraies passions à son présent plus énigmatique. Nous suivons aussi ses pensées sur ses relations amoureuses. Il semble vraiment inadapté, incapable de s'inscrire dans une société qui a évolué trop vite laissant en marge une population pleine de bonne volonté.

L'écriture de Drago Jancar est très juste et permet de s'imprégner de cet univers peu confortable. L'auteur n'enchaîne pas les péripéties. Le roman ne plaira pas aux lecteurs qui aiment les romans qui regorgent d'actions. Ce qui se passe dans l'esprit du personnage est bien plus intéressant que ce qu'il fait. Donc la lecture avance progressivement, lentement imposant un rythme tout autre, propice à ressentir l'absurdité du monde moderne.