La Solitude des Etoiles
de Martine Rouhart

critiqué par Nathafi, le 28 octobre 2017
(SAINT-SOUPLET - 57 ans)


La note:  étoiles
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Martine Rouhart, de son phrasé poétique, nous conte l'histoire de Camille, assistante vétérinaire, qui n'a que pour amis les animaux dont elle s'occupe, et ceux du zoo que son logement côtoie...
Sans amis Camille ? Oui, par choix. Aucune intrusion dans sa vie, jamais plus, surtout depuis le départ de son mari, prématuré, mort subitement. Elle erre comme une âme en peine, dans cette petite vie tranquille, n'en attend rien de particulier, et se terre dans un profond désarroi. Sa mère, seul véritable lien, lui semble trop vivante, trop extravagante, et n'entend pas sa détresse, absorbée par sa propre soif de vivre.
Un jour, malmenée lors d'une intervention au travail, et à bout de ses incertitudes, Camille débraye et décide de s'éloigner, pour un temps, de cette sombre vie.
C'est dans une petite maison perdue aux fins fonds des Ardennes qu'elle part se ressourcer, se retrouver face à elle-même, prendre du temps pour elle et compter les heures qui passent.

"La solitude des étoiles" nous emmène en voyage, un voyage intimiste et profond. Une exploration de l'âme et du coeur, une recherche existentialiste dont Camille éprouve le besoin, un regard assez dur sur ce qu'elle est, un questionnement sur ce qu'elle aimerait être et la surprise de ce qu'elle sera, sortie de cette retraite. Pour ce faire, la nature et tout ce qu'elle apporte d'apaisant, décrite en touches de couleur, vivante, majestueuse, dominatrice, changeante, qui semble envelopper cette femme toute entière et la prendre dans ses bras.
Petit à petit Camille va changer, avoir d'autres préoccupations, connaître un gros bouleversement et se sentir renaître.
Les éléments la supportent, le ciel se révèle et la protège, les étoiles lui sont salutaires. Une rencontre fortuite l'aidera dans son cheminement de pensée, cet être étrange saura l'atteindre en se livrant, par petites touches, rendra progressivement Camille vivante à nouveau. Comme une psychanalyse, en sorte, on vit en parallèle deux histoires compliquées d'êtres blessés par la vie, qui cherchent des bulles d'air pour respirer encore, qui attendent inconsciemment des lendemains qui chantent, des repères, dans cette profonde solitude qui les mine et les engloutit.

Un livre touchant, l'écriture est belle, poétique, le thème est universel, chacun peut se retrouver dans ces phrases, dans cette quête de mieux-être.
Un livre qui fait du bien...
Magnifique, poétique. 9 étoiles

J'ai découvert Martine Rouhart à l'occasion d'une belle soirée littéraire "une roulade littéraire corsée", il y a un peu plus d'un an.

J'avais découvert sa plume avec son précédent roman "Proche lointain" dont le billet se trouve ici.
Merci Martine de m'avoir proposé ton dernier roman, le sixième "La solitude des étoiles" paru dans une maison d'éditions belge à découvrir "Murmure des soirs", un régal ♥ J'ai vraiment passé un excellent moment.

Quelle évolution dans l'écriture, j'ai vraiment été touchée par cette plume magnifique, très poétique.

De quoi parle-t-on ?

De solitudes, de rencontres, du hasard qui n'existe pas.
Camille a 45 ans, elle vit seule à côté d'un zoo. Assistante vétérinaire, elle a plus d'affinités avec les animaux qu'avec les Hommes !

Camille a été déçue par l'attitude de son premier amour, elle a perdu Bruno son mari il y a trois ans. Avec lui elle menait une vie pépère, tranquille.

Depuis son départ, elle s'enferme dans sa solitude. Elle nous dit :

"Je fuis les gens et pourtant la solitude me pèse, étrange paradoxe."

Elle décide de faire le point, de faire un break. Destination : les Ardennes, une maison isolée en bordure des bois. Objectif : se retrouver seule avec elle-même, son chat et son lapin ! Elle traîne avec sa solitude jusqu'au jour où on frappe à sa porte. Qui ose ainsi perturber son isolement ?

C'est Théodore ! Il s'invite chaque jour. Il frappe, entre, ne dit rien ou presque. Il vit dans les bois, sans abri, il à l'apparence d'un clochard et sent le sous-bois , la terre, l'âcre !

C'est un peu comme un animal sauvage à apprivoiser.

Peu à peu, Camille se rend compte que cet homme va faire changer son attitude, elle le guette, l'attend chaque jour.

Petit à petit, il va se livrer, lui conter ses secrets, et elle va s'ouvrir enfin.

Une plume magnifique, très poétique. Des mots très bien choisis. Le style est simple, la construction intéressante. Camille nous conte son existence, sa mère Suzanne aussi se livre. Entre chaque 'confidence", un petit texte bien choisi sur l'univers et les étoiles, apporte un intermède, une respiration.

Des parallèles avec l'univers, un ciel étoilé, des êtres différents, les étoiles ne se rapprochent pas et pourtant ...

Magnifique récit, je suis sous le charme.


Ma note : ***** 9.5/10

Les jolies phrases

Lorsqu'on est au fond du trou, il est difficile d'en sortir si l'on n'a pas de véritable raison de le faire.

Je fuis les gens et pourtant la solitude me pèse, étrange paradoxe.

Un animal sauvage qu'il faut apprivoiser avec patience, un grand animal blessé plus prêt à prendre la fuite et se terrer qu'à mordre ou se jeter sur nous.

Les tristesses, toutes ces vieilles choses, on les balaye de sa mémoire comme le vent les feuilles mortes, mais elles ne disparaissent jamais. Elles s'entassent dans les recoins telles des araignées et il y a toujours un moment où elles réapparaissent.

On oublie trop souvent que l'absence de malheur est déjà un bonheur à goûter.

Des personnes qui nous sont proches on croit tout savoir, mais on ne sait en fin de compte pas grand-chose de leurs vrais désirs et de leurs pensées. Toujours loin d'eux en vivant à côté.

On ne sait tout partager, il est des moments où même ceux qui nous sont chers ne peuvent pas grand-chose. Personne ne souffre jamais pour les mêmes raisons, les souffrances, un jeu de dominos triste...

Pourquoi les gens se sourient-ils si peu dans les métros, dans la rue, dans leur vie précipitée ? Un regard, un sourire, des brèches pour percer tous les murs, pour toucher, pour trouver l'autre.

Nathavh - - 59 ans - 16 février 2018


La distance entre les êtres 9 étoiles

« Je déteste les talons hauts, leur vacarme lorsqu’ils martèlent les trottoirs. Ma démarche et légère et silencieuse. J’aime m’approcher des gens doucement, à la manière des chats. » Ainsi débute le récit de Camille, 43 ans, la principale narratrice de La solitude des étoiles, le sixième roman de Martine Rouhart.

Camille est assistante vétérinaire et vit en lisière d’un zoo. L’autre narratrice, c’est Suzanne, elle a 68 ans et c’est la mère de Camille.

Les deux femmes ont ceci en commun qu’elles ont toutes deux perdu trop tôt leur compagnon. Hormis cela, la mère ne se reconnaît pas en sa fille qu’elle juge « plus fermée qu’une huître ». Même si, au fil de leur récit, on comprendra qu’elles partagent plus d’un trait semblable. Malgré leur lien de parenté, elles restent des énigmes l’une pour l’autre.

Camille perçoit les individualités humaines comme des étoiles dans le cosmos: « La foule, un désert, et on n’est pas seul à être seul. Les gens : une nuée de solitudes démultipliées séparées par une distance interstellaire. » Elle s’accommode de sa solitude ; même, elle la cultive. Cela ne la rend ni malheureuse ni heureuse, du moment que les autres demeurent à une distance respectueuse: "En somme, de la majorité de nos semblables, on ne se rapproche que par hasard et sans les rencontrer…"

Après un incident survenu à la clinique pour animaux où elle travaille comme assistante vétérinaire, elle décide de prendre du champ quelque temps en Ardennes dans une maison isolée louée pour l’occasion...

Martine Rouhart et détaille la mécanique intérieure et scrute les mouvements du coeur. Elle relève les variations d'état d'âme, elle mesure la distance entre les êtres comme elle observe le passage des saisons sur la nature. Elle le fait à coups de notations brèves, poétiques, jamais appuyées ou répétitives. Elle trouve les mots justes, nouveaux, adaptés à chaque nouvelle observation. Une écriture à petits points qui couture, recouvre parfaitement les sujets étudiés, les situations rendues, les petites plaies de l’existence qui menacent de suppurer en affectant notre relation à autrui. Comme ce petit choc d’une pomme de pin trouant la neige, que la narratrice, un moment, signale.

Dans la maison de campagne, Camille va faire la rencontre d’un homme incongru, Théodore, mystérieux à souhait, qui traversera sa vie avec la fulgurance d’une comète, sorte d’ours ou d’ogre qui ne se livrerait que par sentences, par éclats, avant de retourner dans sa tanière. Elle s’attache vite à ses visites régulières qui raniment les braises d’humanité de son feu intérieur, la reconnecte à son être profond qui est fait d’ouverture au monde du vivant. Comme entre les étoiles et les humains que sépare un espace inimaginable se nouent des liens secrets qui échappent à toute psychologie.

Le roman est entrecoupé, sur des pages à part, de notations poétiques et scientifiques de Philippe Jaccottet, Anne Perrier ou Hubert Reeves qui font communiquer les faits narrés par la mère et la fille avec les citations rapportées, l'infiniment petit des rapports sociaux à l'infiniment grand de l'univers.

Mère et la fille vont se rapprocher à la faveur de cet épisode ardennais. Camille va quitter, dans les faits, sa solitude mais l’énigme Théodore, la place qu’il a occupée, même quand il aura disparu de sa vie manifeste, n’en demeure pas moins sujette au questionnement. Martine Rouhart a cette élégance de ne pas en dire plus, de laisser le lecteur se faire son idée sur la position des êtres par rapport à leurs semblables sur la carte du tendre des relations humaines.

Kinbote - Jumet - 65 ans - 8 février 2018