Quelques jours à vivre
de Xavier Betaucourt, Pero

critiqué par Blue Boy, le 21 octobre 2017
(Saint-Denis - - ans)


La note:  étoiles
Vive les soins pal !
Les soins palliatifs, un service qui fascine et fait peur à la fois. Afin de faire mentir les clichés, les soignants de l’unité de Roubaix ont accepté de se livrer et de raconter leur quotidien. Rien de morbide ici, bien au contraire, car dans ce lieu où les patients sont traités avec une grande humanité, c’est la vie qui prévaut.

De façon inattendue, cette BD-docu s’ouvre sur une tradition rurale indonésienne consistant à déterrer les morts tous les trois ans pour permettre à tout un village de les célébrer. On les lave, on les habille de leurs plus beaux vêtements, on les promène, puis on les remet dans leur cercueils jusqu’à la prochaine fois… Cette anecdote donne le ton de l’ouvrage qui aborde un sujet grave, sans tristesse ni larmoiements inutiles. Dans nos sociétés modernes occidentales où prédomine le culte de la jeunesse et de la vitalité à tout prix, la mort et la déchéance sont des thèmes que l’on préfère souvent éluder, même s’ils fascinent. Et pourtant, chacun y sera confronté tôt ou tard par la perte d’un parent ou d’un proche, et quand il s’agit d’une maladie incurable, les derniers jours sont toujours les plus durs à vivre, que ce soit pour le patient ou l’entourage.

Pour mieux illustrer leur sujet, les auteurs ont enquêté dans l’unité de soins palliatifs de Roubaix, ville ô combien symbolique où la pauvreté qui la touche, plus que partout ailleurs, conduit souvent les malades à négliger leur santé. Ils ont interrogé les médecins et les soignants sur leur quotidien et les raisons qui les ont poussés à s’engager dans cette branche particulière de la médecine. Bien souvent, c’est un choix mûri et motivé par une empathie certaine ou la blessure liée au décès d’un parent dans des conditions pénibles, même dans le cadre d’une hospitalisation traditionnelle. Car en France, l’administration rechigne la plupart du temps à intégrer des unités de soins palliatifs pour des raisons bassement financières. L’accompagnement du patient en fin de vie n’est qu’une option accessoire, et après tout, pourquoi faudrait-il engager des frais pour quelqu’un dont on ne peut attendre un quelconque retour sur investissement pour la société ? Par ailleurs, il faut savoir que la France a été très en retard dans le domaine, de quelque vingt années par rapport au Royaume-Uni, pionnier en la matière.

Tout cela, on l’apprend grâce à de petits rappels historiques sur divers sujets en rapport, tels l’euthanasie, la douleur (longtemps considérée comme « salvatrice » par la tradition catholique), l’hypnose, et même le spiritisme (des témoignages font état d’événements troublants survenus dans ce service)… Xavier Bétaucourt semble n’avoir négligé aucun aspect de la discipline et nous livre ainsi un documentaire assez complet. Il montre aussi les malades, avec leurs angoisses mais aussi leur lucidité quant à leur fin imminente. C’est souvent touchant, mais jamais plombant. L’humour est bien présent, tant chez les patients que les soignants, un humour essentiel pour mettre à distance la tristesse liée au contexte et la faucheuse omniprésente.

Le trait d’Olivier Perret reste suffisamment schématique pour ne pas tomber dans un voyeurisme malsain, même si parfois on peine un peu à distinguer les personnages les plus récurrents. Sobre également avec le parti pris du noir et blanc qui évite de parasiter le propos.

« Quelques jours à vivre » est donc un ouvrage extrêmement humain et sincère, par ailleurs très bien documenté, où l’on découvre avec intérêt cet univers très méconnu que sont les soins palliatifs. En abordant la question de l’intérieur, Xavier Bétaucourt nous fait partager les états d’âme de ces professionnels dont la démarche se révèle quasi-militante, face à une administration rétive et déshumanisée. On en ressort avec la conviction que toute société civilisée digne de ce nom se devrait d’accompagner ses citoyens vers l’au-delà en lui évitant la souffrance.