Les attachants
de Rachel Corenblit

critiqué par Nathavh, le 24 septembre 2017
( - 59 ans)


La note:  étoiles
Pas simple la vie d'enseignant
Emma est jeune enseignante et hérite bien entendu en début de carrière d'une classe dont personne ne veut. Elle se retrouve à l'école des Acacias, une école de douze classes, 300 élèves, dans un quartier défavorisé.

"Une classe c'est comme un roman. Vingt-six histoires qui se combinent, qui se heurtent, qui s'emboîtent. Cinq jours sur sept, de huit heures du matin jusqu'à la fin de l'après-midi, près de neuf mois dans une année, des histoires se tissent. Si l'on calcule le temps passé ensemble, on s'effraie de constater à quel point une classe absorbe les individus qui la constituent."

Un roman, une fiction c'est pas si sûr que cela, l'auteure a été enseignante durant quinze ans puis formatrice d'enseignante. Elle nous présente une classe en milieu défavorisé. Elle rassemble certes beaucoup d'"attachiants", attachants, de chiants comme elle dit.

On suivra en particulier l'histoire de Ryan dont les parents sont divorcés. Il arrive de Marseille en cours d'année. Il y a aussi Michel qui est mal dans sa peau, Lola dont la mère souffre d'un cancer et vit dans la misère à quatre dans un petit studio, Molly l'enfant maltraitée, Emir, une petite frappe au père redoutable, Allan livré à lui-même dont on ne s'occupe pas et d'autres destins malheureux.

Emma essaiera d'établir le contact avec les parents démissionnaires. Elle ne comprendra pas toujours l'attitude de Aucalme, le directeur de l'établissement. Tous les deux feront de leur mieux avec les moyens dont ils disposent. Emma rencontrera Mathieu et nous contera en parallèle à tout cela sa vie sentimentale.

Un regard sur notre société, sur le monde des enseignants,. Des doutes, des remises en question, de la difficulté mais aussi de la passion d'un métier ingrat donnant parfois des envies d'abandonner tout mais à d'autres moments de grandes joies et des petits moments de bonheur.

Un très beau récit choc.

Ma note : 8.5/10


Les jolies phrases

Le cadeau qu'on offre aux débutantes pleines d'enthousiasme et de zèle pour qu'elles comprennent que l'Education nationale était à l'image de la vie, un monde sans pitié où il fallait avant tout s'adapter. Pour qu'elles réalisent aussi que la vocation, c'était un mythe, un délire romantique, qu'il fallait vider de ses idéaux pour appréhender la substantifique moelle du métier : apprendre à survivre.

On est pas là pour sauver la vie des gens, on ne peut pas changer les destins, on ne sert pas à grand- chose, finalement. Un caillou ne dévie pas le cours de la rivière et je suis quoi, moi, une caillasse, un galet, rien, et l'eau me passe dessus et les emporte, ces gosses, loin, sans que je puisse rien faire.


Quand on essaie de se fixer quelque part et qu'on n'a pas de mari, pas d'enfant, pas de chat, rien qui compte dans les points du barème, on est sûr, en tant qu'enseignant débutant, de finir là où personne ne souhaite aller.

Une classe, c'est comme un roman. Vingt-six histoires qui se combinent, qui se heurtent, qui s'emboîtent.

A réfléchir sur la nécessité de vivre avec quelqu'un qu'on n'avait pas vraiment choisi. Qui s'était imposé et dont on aurait du mal à se débarrasser.

Peut-être qu'elle voulait raconter à Emma comment c'était humiliant, de ne pas pouvoir aider son enfant, de la laisser se débrouiller dans une langue qu'elle ne possédait pas. De ne pas être à la hauteur. Nos enfants nous dépassent, nos enfants nous enterrent, nos enfants nous survivent. Comment dit-on, en français, cette infinie tristesse de les contempler, de constater à quel point ils nous sont étrangers ?


On pourrait sauver l'humanité rien qu'en sortant ces enfants des limites de leur territoire.